L’économie du Québec laisserait environ 7 milliards sur la table en raison de la rareté de main-d’œuvre qui ralentit l’activité du secteur manufacturier, selon les estimations d’une association qui représente le secteur.

La presque totalité des entreprises du secteur, 98 %, affirme avoir des postes vacants à pourvoir, selon un sondage des Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) effectué auprès de 300 de ses membres. En moyenne, les répondants avaient 42 postes vacants au sein de leurs entreprises.

« Au cours de la dernière année, ce sont 7 milliards que les manufacturiers québécois ont laissés sur la table, faute d’avoir les travailleurs nécessaires, souligne la présidente-directrice générale du MEQ, Véronique Proulx, lors d’une conférence de presse mercredi. On n’arrive pas à trouver les bras et les compétences, les cerveaux dont on a besoin, pour faire fonctionner nos usines. »

Les occasions manquées de 7 milliards représenteraient environ 3,8 % des ventes totales du secteur manufacturier au Québec, qui s’établissent à 183 milliards.

Il y avait 32 000 postes vacants dans le secteur manufacturier québécois en 2022 au deuxième trimestre, selon les données de Statistique Canada. Il s’agit d’une augmentation par rapport aux 30 700 postes vacants du premier trimestre, soit trois mois plus tôt.

Embaucher dans le secteur manufacturier revient à tenter de « pêcher dans un lac vide », selon Mme Proulx. Cette absence de travailleur fait perdre d’importantes occasions d’affaires aux entreprises manufacturières, prévient-elle.

Elle souligne que 75 % des manufacturiers ont refusé des contrats, réduit le nombre de soumissions ou accumulé des retards en raison de la pénurie. La moitié (50 %) ont retardé ou annulé certains investissements.

Le fournisseur dans le secteur aéronautique Groupe Meloche, pour sa part, a été contraint de renoncer à des contrats d’une valeur estimée à 12 millions en raison du manque de personnel, raconte la vice-présidente des ressources humaines, Anne-Renée Meloche.

L’entreprise a 75 demandes actives de recrutement à l’étranger, mais Mme Meloche déplore la lourdeur du processus administratif. « Cette année, ce qu’on a pu voir, c’est la pénurie de main-d’œuvre, mais surtout le ralentissement, la lenteur, la complexité pour nous et pour l’ensemble des employeurs du Québec par rapport à l’immigration et au recrutement à l’international. »

Ce genre d’occasions manquées amènent certaines entreprises à envisager de déménager leur production à l’extérieur du Québec. Trois entreprises sur 10 affirment avoir songé à déménager une partie de leurs activités à l’étranger ou à faire affaire avec des fournisseurs étrangers. « Quand on déménage les activités à l’extérieur du Québec, c’est très rare qu’on les ramène », prévient Mme Proulx.

Cette tendance n’aurait rien à voir avec la délocalisation qui avait conduit des entreprises à déplacer leur production en Asie, notamment, en raison des coûts moins élevés de la main-d’œuvre. « On est ailleurs, répond la présidente-directrice générale du MEQ. Il y a des entreprises qui comptent augmenter les salaires. Ce n’est vraiment pas un enjeu de salaire et de coût. Ce qu’on cherche avant tout, c’est des gens compétents pour travailler dans nos usines. »

Le MEQ demande au gouvernement d’augmenter le nombre de travailleurs qualifiés disponibles pour le secteur manufacturier. « Ça passe par une hausse des seuils d’immigration. Ça passe aussi par : faciliter et accélérer l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires. »

L’association demande aussi au gouvernement d’ajuster l’offre de formation pour « cibler en priorité » le secteur manufacturier et d’accompagner davantage les entreprises qui veulent automatiser leur chaîne de production.

Le MEQ n’est pas la seule association du milieu des affaires à tenter de mesurer l’impact financier de la pénurie de main-d’œuvre. En août, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) estimait que la rareté de main-d’œuvre aurait forcé les PME du Québec à renoncer à près de 10,7 milliards en contrat.