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J’aimerais comprendre comment l’augmentation du taux d’intérêt pourrait faire baisser le prix des carottes à l’épicerie.

Georges Ledoux

La Presse a posé la question à Hendrix Vachon, économiste principal du Mouvement Desjardins.

« D’entrée de jeu, il faut se demander pourquoi il y a de l’inflation, explique Hendrix Vachon. La réponse courte : elle provient d’un déséquilibre entre l’offre et la demande. Donc, actuellement, la demande est trop forte pour la quantité de biens et services offerts. »

Ensuite, pourquoi veut-on utiliser le taux d’intérêt pour baisser cette inflation ? demande M. Ledoux. Parce que le taux d’intérêt vient jouer sur la demande, soutient l’économiste principal du Mouvement Desjardins. « C’est une façon de réduire la demande et ainsi d’obtenir un équilibre offre-demande. »

D’ailleurs, la hausse du taux d’intérêt s’est déjà transformée en baisse de la demande. Le premier exemple flagrant est celui du marché de l’habitation. La folie immobilière a disparu d’un coup.

La hausse des taux d’intérêt freine considérablement la demande pour les nouvelles maisons, observe l’économiste. Elle freine aussi de façon générale la demande de crédit, ce qui entraîne une baisse de la demande pour tout ce qui est acheté avec du crédit.

Hendrix Vachon, économiste principal du Mouvement Desjardins

« Une consommation plus faible et un emprunt plus faible vont faire baisser la demande et aider éventuellement à baisser l’inflation », expose-t-il.

Et le prix des carottes dans tout ça ?

Est-ce que la hausse des taux d’intérêt va finir par faire baisser le prix des carottes ? Ou de tout autre produit à l’épicerie ? « On dit qu’il fait baisser la demande. Or c’est assez difficile de moins manger, convient Hendrix Vachon. On peut peut-être éviter le gaspillage alimentaire, éviter le plus possible de jeter des aliments qu’on a payés cher. Ça peut amener certains changements de comportement même au niveau de l’alimentation. »

L’économiste précise que la recette pour baisser globalement l’inflation peut fonctionner sans les biens alimentaires. « Il faut qu’il y ait une baisse moyenne de tous les biens. Il y a encore certains produits pour lesquels il est plus difficile d’observer des réductions de l’inflation, mais pour d’autres, on voit des baisses marquées. Ce qui fait qu’en moyenne, on atteindra l’objectif qui est souhaité. »

Pour ce qui est des carottes, la guerre en Ukraine a plus d’influence sur leurs prix, précise l’économiste. Que ce soit le marché du gaz naturel, des engrais ou de la machinerie qui perturbe les chaînes d’approvisionnement et réduit l’accessibilité aux agriculteurs. « On s’entend, ce n’est pas la hausse des taux d’intérêt qui va régler ce problème. »

« Dans certains cas, c’est vrai que la hausse des taux d’intérêt n’aura pas une incidence très marquée. Mais pour d’autres biens et services, comme le marché de l’habitation, certains produits de rénovation et les vêtements, on commence à voir une baisse. »

La hausse des taux encourage l’épargne

Des taux d’intérêt élevés incitent les gens à épargner. Avant, les taux des placements sans risque avoisinaient 1 %. Avec des taux offerts qui grimpent jusqu’à 5 %, plusieurs seront encouragés à épargner et à moins consommer. « Ça aussi, c’est un des éléments qui peut freiner la demande », soutient l’économiste.

L’autre partie de l’équation, la demande trop forte par rapport à la production. La banque centrale ne peut pas jouer sur la production, seulement sur la demande. « Avec le temps qui passe, on s’attend à ce que la production mondiale s’ajuste à la hausse », affirme l’économiste.

Certains consommateurs avancent que la hausse des taux d’intérêt fait monter leurs coûts de vie, donc encourage l’inflation. Or le coût de l’intérêt doit être exclu du calcul, explique Hendrix Vachon.

« C’est un peu la pilule à avaler, illustre-t-il. La hausse des taux d’intérêt va forcer à couper ailleurs pour justement absorber l’effet de la hausse des taux d’intérêt. »

« Oui, ça coûte plus cher, le taux d’intérêt, mais les autres prix devraient éventuellement baisser et compenser », conclut-il.

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