(Ottawa) La ministre des Finances Chrystia Freeland se porte à la défense de l’indépendance de la Banque du Canada, qui fait l’objet de critiques de la part du Parti conservateur et maintenant du NPD.

À la veille d’une autre hausse importante attendue du taux directeur de la Banque du Canada, Mme Freeland a soutenu que l’indépendance de cette institution est essentielle dans une démocratie comme le Canada.

« C’est très important d’être conscient de la réalité économique mondiale. Nous sommes aujourd’hui dans une période compliquée et assez difficile. Et pour moi, un des éléments les plus importants pour le Canada, c’est la stabilité institutionnelle, y compris l’indépendance de la Banque du Canada », a déclaré la ministre avant une réunion du cabinet.

La ministre a dit comprendre « très bien » les difficultés que vivent les Canadiens et les familles en raison de la hausse du coût de la vie. « Et je comprends aussi que les taux d’intérêt sont difficiles », a-t-elle dit.

Mais elle a ajouté que le gouvernement agit en accordant une aide ciblée aux familles les plus vulnérables et en suivant une politique fiscale prudente pour ne pas alimenter l’inflation et nuire aux efforts de la Banque du Canada visant à la maîtriser.

Mercredi, la Banque du Canada doit annoncer une autre hausse importante des taux d’intérêt. La majorité des observateurs s’attendent à une autre augmentation de 75 points de pourcentage.

Depuis mars dernier, la Banque du Canada a majoré son taux d’intérêt directeur de 0,25 à 3,25 % — la hausse la plus forte des pays du G7. Cette hausse a évidemment fait bondir les coûts d’emprunt pour les familles et les entreprises.

Même si l’inflation a quelque peu ralenti au cours des mois, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a clairement fait savoir qu’il est trop tôt pour faire une pause.

Critiques

La Banque du Canada a fait l’objet de vives critiques de la part du chef du Parti conservateur Pierre Poilievre, en particulier durant la course au leadership. M. Poilievre accuse la Banque du Canada d’avoir contribué à la montée inflationniste « en imprimant de l’argent » durant la pandémie. Il a aussi promis de congédier le gouverneur Tiff Macklem s’il prend le pouvoir aux prochaines élections.

De son côté, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a critiqué le travail de la Banque du Canada dans une lettre qu’il a envoyée au premier ministre Justin Trudeau la semaine dernière.

Dans cette lettre, M. Singh a soutenu que la Banque du Canada ferait plus de mal que de bien en haussant ainsi les taux d’intérêt pour s’attaquer à l’inflation.

« Cette solution unique à l’inflation jette déjà les bases d’une récession et rend la vie difficile à la plupart des gens, en particulier aux familles de travailleuses et travailleurs et aux personnes à revenu fixe, comme les aînés et les personnes en situation de handicap », a-t-il soutenu dans sa missive.

« Le plus troublant, ce sont les récents commentaires de Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, qui a conseillé aux entreprises de ne pas intégrer des salaires plus élevés dans les contrats conclus avec leurs employés, malgré le fait que les salaires sont loin de suivre l’inflation. Cela dépasse clairement les compétences de la Banque du Canada. Les travailleuses et travailleurs canadiens perdent du terrain chaque mois, car l’inflation réduit effectivement leurs chèques de paie », a-t-il aussi écrit.

M. Singh a conclu sa lettre en demandant au premier ministre d’adopter une série de mesures dans la mise à jour économique et financière que doit présenter la ministre Freeland au début novembre afin d’aider les Canadiens à survivre durant cette tempête économique.

Jean-Yves Duclos condamne les oppositions

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, tout comme le leader conservateur Pierre Poilievre et les autres politiciens, ne devraient pas remettre en question la crédibilité de la Banque du Canada, a affirmé le ministre de la Santé et économiste de formation, Jean-Yves Duclos.

« M. Poilievre l’a dit très clairement au cours des derniers mois, et ça nuit à beaucoup de gens déjà, nuit à notre économie. Quand on mine la crédibilité de la banque centrale, on mine l’économie canadienne et on mine la création d’emplois », a dit mardi l’élu libéral avant de se rendre à une réunion du conseil des ministres.

« Il faut tout faire — et ça (concerne) tous les élus de tous les partis — pour maintenir la capacité de la Banque du Canada de faire son travail. Et ça implique de ne pas remettre en question la crédibilité de la banque centrale », a soutenu M. Duclos lorsqu’appelé à commenter la ligne d’attaque de M. Poilievre.

D’autres membres du conseil des ministres questionnés par les journalistes ont semblé moins loquaces. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a évité de commenter directement la sortie de M. Singh.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est contenté de tenir le même discours sur l’importance de l’indépendance de la banque centrale.

« On est toujours en train de regarder comment on peut aider les gens de façon ciblée », a-t-il ajouté en rappelant les mesures mises de l’avant dernièrement par son gouvernement, comme de doubler le crédit pour la TPS.

M. Singh a assuré qu’il était en faveur du maintien de l’indépendance de la Banque du Canada, tout en précisant qu’il aimerait que son mandat soit modifié par les libéraux.

« (En ce moment), le mandat est vraiment ciblé à seulement l’inflation et ils ont ajouté une considération pour le nombre de gens qui ont du travail. Mais c’est un élément qui doit être une partie du mandat parce que si les taux d’intérêt augmentent et on est plongés dans une récession créée par cette augmentation […], ça va vouloir dire qu’un grand nombre de Canadiens vont perdre leur emploi », croit le chef du NPD.

Au cours de la course à la direction du Parti conservateur du Canada qu’il a remportée haut la main, M. Poilievre a été fustigé par plusieurs, dont les libéraux de Justin Trudeau, pour ses attaques contre la Banque du Canada. Il a notamment comparé l’institution à une « machine ATM » qui a laissé l’inflation grimper avec ses politiques. M. Poilievre s’est aussi engagé à congédier M. Macklem s’il devient premier ministre.

Dans une déclaration écrite transmise en fin de journée, le député conservateur Pierre Paul-Hus affirme que « Jagmeet Singh et les libéraux de Trudeau sont responsables de l’insatiabilité du gouvernement qui a causé l’inflation d’aujourd’hui. Si le NPD veut vraiment aider les familles canadiennes, il mettrait fin à cette coalition et voterait aux côtés des conservateurs pour mettre fin aux hausses d’impôts et aux dépenses inflationnistes de Justin Trudeau ».

La Presse Canadienne