(Calgary) Même la hausse des cours pétroliers n’a pas ramené la prospérité d’antan aux villes albertaines.

L’économie de certaines municipalités comme Lloydminster et Fort McMurray ne semble pas aussi bien se porter que lors des pics des prix du pétrole en 2014 ou en 2017.

« Si j’avais dit, il y a deux ans, que les revenus pétroliers atteindraient des sommets en Alberta, on aurait pu s’attendre que Calgary et Edmonton en profitent, que le reste de la province en profite aussi. Toutefois, ce n’est pas le cas », constate Charles St-Arnaud, économiste principal à l’établissement financier Alberta Central.

En 2014, par exemple, plusieurs localités de l’Alberta, et même de la Saskatchewan, se seraient crues au retour de la ruée vers l’or. Les hôtels affichaient toujours complet, les bars et autres établissements vivaient au rythme des travailleurs fêtards au portefeuille bien rempli. Plein de gens ont décidé alors de s’installer dans l’ouest du pays.

Mais en 2022, les choses sont différentes, dit M. St-Arnaud, auteur d’une étude intitulée « Où est le boom ? »

Le secteur pétrolier, lui, se porte à merveille. La production a atteint des sommets au cours de la première moitié de 2022. La moyenne s’élève à 3,6 millions de barils par jour.

Et grâce à la hausse des cours, la valeur totale de la production pétrolière d’août 2021 à août 2022 s’élève à 140 milliards, un montant à 75 % supérieur à la même période de 2014. Au cours des six premiers mois de cette année, les quatre principaux producteurs des sables bitumineux ont rapporté plus de 21 milliards de profit, plus de trois plus que la même période, l’an dernier.

Toutefois, les entreprises sont bien plus tentées à utiliser leurs extraordinaires profits pour rembourser leurs dettes et faire profiter leurs actionnaires de la manne plutôt que pour investir dans leurs opérations.

En 2022, les producteurs n’ont réinvesti qu’environ 7 % de leurs revenus dans leurs opérations, comparativement à 25 % en 2014, mentionne M. St-Arnaud. La nature des investissements a aussi changé. Les entreprises mettent de côté les investissements coûteux visant à accroître la production, leur préférant de plus petits projets visant à améliorer leur efficience ou à baisser les émissions de gaz à effet de serre.

En conséquence : les autres secteurs et les travailleurs profitent moins des retombées de cet essor.

Selon Statistique Canada, le secteur pétrolier et gazier de la province n’emploie que 75 % de la main-d’œuvre totale de 2014. Le constat est identique dans le secteur de la construction. La main-d’œuvre actuelle est à 80 % de celle de cette période.

M. St-Arnaud signale que les salaires des travailleurs des sables bitumineux ne dépassent pas autant ceux des autres secteurs, comme cela a déjà été le cas.

« On n’a pas à offrir des salaires aussi élevés pour recruter des travailleurs, car la demande de main-d’œuvre est moins forte. Auparavant, le salaire moyen en Alberta dépassait de 10 % celui du reste du Canada, mais l’écart s’est réduit au cours des dernières années. »

L’économiste est convaincu que l’industrie pétrolière a changé de façon permanente. Un des avantages est que l’économie albertaine sera moins soumise aux aléas de cette industrie.

« S’il n’y a pas de boom, les récessions seront moins importantes, soutient-il. Le pétrole sera toujours un élément important de notre économie, mais il ne le sera plus autant. »

Ce n’est pas une mauvaise chose, affirme le maire de Wood Buffalo, Sandy Bowman.

« Ce que l’on souhaite, c’est une croissance stable. Le cycle expansion-récession peut être difficile pour tout le monde et pour l’ensemble de la collectivité, pas seulement pour les travailleurs », souligne-t-il.