Malgré les efforts sans précédent qu’elle fait pour faire passer son message, la Banque du Canada peine à convaincre les consommateurs qu’elle réussira à maîtriser l’inflation.

Les résultats de l’enquête trimestrielle de la banque centrale sur les attentes des consommateurs rendus publics lundi révèlent beaucoup de scepticisme sur sa capacité de lutter contre l’inflation.

Même si la majorité des répondants savent que les hausses des taux d’intérêt visent à réduire l’inflation, « ils sont beaucoup moins nombreux à s’attendre à ce que ces mesures fonctionnent », constate la Banque du Canada.

Depuis qu’elle a entrepris de remonter son taux directeur, la banque centrale a multiplié les occasions de s’expliquer devant les auditoires les plus divers et même sur les réseaux sociaux dans le but de convaincre les Canadiens que l’inflation ne continuera pas d’augmenter.

Dans son enquête, la banque centrale s’est fait dire que ses efforts ne produisaient pas l’effet voulu. L’inflation a montré des signes d’apaisement en août, mais la hausse annuelle des prix demeure très élevée, à 7 %.

En fait, les consommateurs s’attendent à ce que les prix augmentent encore au cours des deux prochaines années, ce qui peut contribuer à alimenter l’inflation et à rendre la tâche de la banque centrale encore plus difficile.

Plus pessimistes

Dans l’ensemble, les consommateurs sont plus pessimistes qu’au trimestre précédent sur l’évolution de l’économie. En fait, plusieurs d’entre eux croient que le Canada est déjà en récession, même si ce n’est pas le cas.

Les autres estiment à 50 % la probabilité d’une récession, à cause des salaires qui ne suivent pas l’inflation, des prix élevés et de la hausse des taux d’intérêt.

La Banque du Canada augmente ses taux pour refroidir une économie en surchauffe, ce qui semble fonctionner. La grande majorité des répondants à son enquête ont réduit leurs dépenses et courent les aubaines. « Beaucoup de consommateurs croient que ce n’est pas le bon moment pour faire des achats importants parce que les prix sont élevés, les choix sont limités, les retards sont longs et la probabilité qu’une récession survienne est élevée », résume l’enquête.

Emploi : pas d’inquiétude

L’enquête indique que les consommateurs s’inquiètent de leur pouvoir d’achat, mais qu’ils ne craignent pas de perdre leur emploi.

Changer volontairement d’emploi est toujours considéré comme possible et plusieurs disent l’avoir fait dans le but d’obtenir un meilleur salaire.

Les travailleurs s’attendent toutefois à obtenir de plus fortes augmentations de salaire. Environ 40 % d’entre eux pensent que leur salaire augmentera de plus de 4 % au cours des prochains mois.

Ces attentes sont plus élevées chez ceux qui sont obligés de retourner travailler au bureau. Fait intéressant, la possibilité de télétravailler réduit les attentes salariales, parce que ça leur permet d’économiser sur l’essence. « Pour le travail, je préfère un modèle hybride parce que ça me motive à aller au bureau, mais comme j’habite loin, ça me coûte beaucoup plus cher de conduire pour m’y rendre », selon un répondant cité dans l’enquête.

Les entreprises veulent toujours investir

Même si leur niveau de confiance en l’avenir a baissé, les entreprises canadiennes n’ont pas encore mis de côté leurs plans d’investissement et elles ne prévoient pas non plus de faire des mises à pied au cours des prochains mois, selon l’enquête sur les perspectives des entreprises réalisée quatre fois par année par la Banque du Canada.

Pour la première fois en plus d’un an, les entreprises estiment que leurs chaînes d’approvisionnement se sont améliorées et que le marché du travail montre des signes de détente.

À part celles liées au secteur du logement, la plupart des entreprises prévoient embaucher si elles trouvent la main-d’œuvre dont elles ont besoin.

Malgré la hausse des taux d’intérêt qui se poursuit, les investissements sont toujours au menu des entreprises, surtout de celles qui ont des contraintes de capacité, qui veulent se tourner vers l’automatisation pour pallier la rareté de la main-d’œuvre.

Plus d’incertitude

Comme les consommateurs, les entreprises sondées estiment la probabilité d’une récession à 50 %, qui serait déclenchée par la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des prix qui freine la consommation.

Les entreprises croient que l’inflation restera élevée, mais contrairement aux consommateurs, elles s’attendent à ce que la hausse des prix soit maîtrisée au cours des trois prochaines années.

Elles-mêmes prévoient augmenter leurs prix moins rapidement que pendant la pandémie, quand les consommateurs étaient prêts à payer plus, et elles estiment que les pressions sur les salaires diminueront.

Les informations générées par ces deux enquêtes guideront les prochaines décisions de la Banque du Canada en matière de taux d’intérêt. La prochaine annonce est prévue pour le 26 octobre, et une nouvelle hausse de 50 points de base est attendue par les observateurs, ce qui porterait le taux directeur à 3,75 %.

Aucune province à l’abri

Toutes les provinces canadiennes ressentiront les effets de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et de la détérioration de l’économie mondiale, précisent les économistes de Desjardins, qui prévoient que l’économie canadienne plongera dans une récession au début de 2023.

Du côté des provinces, certaines souffriront plus que d’autres. L’Ontario devrait être parmi les plus touchées par le ralentissement économique, à cause de sa plus grande vulnérabilité au marché immobilier. La Colombie-Britannique et les Maritimes sont aussi plus fragiles pour les mêmes raisons et devraient tomber en récession.

À l’inverse, les provinces productrices de pétrole (Alberta, Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador) afficheront la meilleure performance au Canada. Quant au Québec, il pourrait éviter de peu la récession, prévoient les économistes de Desjardins, qui s’attendent à une remontée du chômage et à une croissance anémique de 0,1 % en 2023.