(Ottawa) Disant vouloir donner l’heure juste aux Canadiens, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, reconnaît pour la première fois que la lutte contre l’inflation que mène la Banque du Canada va heurter de plein fouet l’économie canadienne, que le taux de chômage va augmenter et que les entreprises verront leur chiffre d’affaires diminuer.

Mais pour limiter les dégâts, elle promet que le gouvernement Trudeau fera preuve de discipline budgétaire et évitera de jeter de l’huile inflationniste sur le feu en augmentant inutilement les dépenses.

Dans un discours prononcé à Gatineau, lundi, la ministre Freeland a toutefois précisé qu’Ottawa ne laisserait pas tomber les Canadiens les plus vulnérables, comme en fait foi l’adoption récente de certaines mesures ciblées pour aider les familles les moins nanties à affronter la crise du coût de la vie, notamment le doublement du crédit de la TPS pour une période de six mois.

« Même si l’inflation recule dans les prochains mois, la situation va rester difficile. Difficile pour nos amis. Pour notre famille. Pour nos voisins. Et pour nos communautés. Notre économie va ralentir, car la banque centrale doit s’attaquer à l’inflation. Plusieurs personnes vont voir leurs paiements d’hypothèque augmenter. Les affaires ne seront plus aussi bonnes que depuis le déconfinement. Et le taux de chômage ne sera plus à un creux historique », a affirmé la ministre Freeland.

« C’est ce qui va se passer au Canada. C’est ce qui va se passer aux États-Unis. Et c’est ce qui va se passer dans les économies – grandes et petites – du monde entier », a-t-elle ajouté.

La ministre a indiqué qu’elle dévoilera les mesures que le gouvernement Trudeau prendra afin de « naviguer dans ces eaux troubles » lors d’une mise à jour économique et financière qu’elle doit présenter à la Chambre des communes, vraisemblablement en novembre.

« Les défis devant nous pour notre économie sont nombreux. C’est également le cas pour les économies de nos partenaires et alliés de partout dans le monde. Il ne faut pas s’en cacher. N’importe qui prétendant qu’on peut éviter ces défis fait fausse route. Mais nous serons prêts », a affirmé la ministre.

« Notre filet social sera là. Les gens contribuent toute leur vie active à l’assurance-emploi et aux pensions. Et ces programmes seront là pour eux. Et nous nous assurons que le Canada a la marge de manœuvre financière pour appuyer ceux qui en auront le plus besoin – s’ils en ont besoin et lorsqu’ils en auront besoin. Les prochains mois seront exigeants. C’est important que les Canadiens m’entendent le dire », a-t-elle enchaîné.

Mme Freeland a profité de son passage dans les locaux de Gazifère à Gatineau pour reprendre des éléments de l’allocution qu’elle a prononcée devant la Brookings Institution à Washington, la semaine dernière.

Dans cette allocution, qui a eu des échos non seulement au pays, mais aussi dans plusieurs capitales, Mme Freeland a affirmé que les démocraties doivent serrer les rangs et prendre soigneusement leurs distances des régimes autoritaires comme la Russie et la Chine.

Cela doit se faire notamment en procédant à la construction d’une chaîne d’approvisionnement reliant les pays alliés partageant les mêmes valeurs démocratiques, un concept baptisé « friendshoring » par la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen.

Elle a aussi plaidé pour que l’on accélère l’approbation de grands projets énergétiques comme le gaz naturel liquéfié pour alimenter des pays alliés comme l’Allemagne.

Le contexte mondial actuel représente l’occasion idéale pour repenser les chaînes d’approvisionnement d’une manière à ne plus dépendre des régimes autoritaires. Selon elle, le Canada peut et doit jouer un rôle de premier plan dans cette transition.

« Nous avons les minéraux critiques et les métaux nécessaires pour les voitures électriques, les cellulaires et les technologies d’aujourd’hui et de demain.

« Nous avons la production agricole pour nourrir la planète. Et nous avons les engrais dont les agriculteurs ont besoin partout dans le monde pour leurs cultures. […] Nous avons les ressources naturelles pour propulser la transition mondiale vers une économie verte. Il s’agit de la plus importante transition économique depuis la révolution industrielle », a-t-elle argué.