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Quand on parle des banques centrales et de l’économie, que signifie l’expression de “l’assouplissement quantitatif”, ou “Q.E.” en référence au terme anglais “quantitative easing” ? À quoi sert cet “assouplissement quantitatif” pour une banque centrale comme la Fed américaine [Réserve fédérale], en plus de ses décisions de taux d’intérêt ?

Mireille Dion, Montréal

Les mesures financières dites d’« assouplissement quantitatif » ont été introduites il y a une quinzaine d’années parmi les principales banques centrales du monde industrialisé.

Elles comptent désormais, avec les décisions liées aux taux d’intérêt, parmi les principaux outils d’intervention des autorités monétaires afin de régulariser la conjoncture économique autour d’objectifs cibles en matière de croissance, d’inflation et de taux d’emploi, notamment.

De quoi s’agit-il ?

Les mesures d’assouplissement quantitatif des banques centrales consistent en des achats massifs de titres de dette de qualité auprès de grands intervenants des marchés d’actifs financiers.

Ces achats massifs de titres de dette — à coups de dizaines ou de centaines de milliards de dollars — visent à injecter des liquidités dans une économie faiblissante afin d’y stimuler la croissance.

Par titres de dette de qualité, on entend surtout des obligations d’origine publique (gouvernements, sociétés d’État) ou émises par de grandes entreprises de haute qualité financière.

Les banques centrales incluent parfois dans leurs achats des titres de dette adossés à des actifs financiers, comme des prêts hypothécaires.

Depuis quand ?

Les mesures d’assouplissement quantitatif ont longtemps été confinées aux travaux de recherche et d’analyse théorique dans les milieux des sciences économiques et de la haute finance.

Leur première application concrète à grande échelle remonte à 2001 par la Banque du Japon, qui cherchait alors à extirper l’économie nipponne d’une décennie de stagnation et de récessions intermittentes.

En Amérique du Nord et en Europe, ce sont les épisodes de crise économique provoqués par la crise financière de 2008-2009 et la pandémie mondiale de COVID-19 en 2020-2021 qui ont engendré un recours massif à l’assouplissement quantitatif par la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre.

Quel impact dans l’économie ?

Pour bien répondre à cette question, La Presse a fait appel à l’économiste Jocelyn Paquet à la Banque Nationale.

D’abord, explique-t-il, il faut savoir que les mesures d’assouplissement quantitatif ont été introduites par les banques centrales alors que leur principal outil d’intervention dans l’économie, soit la baisse ou la hausse des taux d’intérêt, avait été pratiquement neutralisé par de nombreuses années de très bas taux d’intérêt.

Lors de récessions antérieures, alors que les taux d’intérêt pouvaient être autour de 6 % à 8 %, les banques centrales avaient une marge de manœuvre pour baisser les taux afin de stimuler l’économie.

Jocelyn Paquet, économiste à la Banque Nationale

« Mais lors de la récession qui a suivi la crise financière de 2008, les taux d’intérêt étaient déjà très bas. Les banques centrales, en particulier la Fed américaine, se sont retrouvées sans marge de manœuvre pour abaisser les coûts de financement afin de stimuler l’économie.

« Les banques centrales ont décidé de recourir à des achats massifs de titres de dette dans les marchés obligataires afin d’en soutenir la valeur marchande et, du coup, d’atténuer les attentes de rendement obligataire qui sont déterminantes pour les taux d’intérêt et les coûts de financement dans l’ensemble de l’économie. »

Création d’argent ?

Par ailleurs, explique Jocelyn Paquet, le fonctionnement de ces achats massifs de titres de dette par les banques centrales auprès des grandes institutions financières constitue un puissant générateur de nouvelles liquidités dans une économie déjà sous tension.

« En fin de compte, pour les banques centrales, les mesures d’assouplissement quantitatif sont devenues une composante principale de leur processus de création d’argent afin de stimuler l’économie. Toutefois, si ces mesures sont maintenues à un haut niveau longtemps, elles risquent alors de déclencher et d’amplifier les pressions inflationnistes, souligne Jocelyn Paquet.

« C’est d’ailleurs ce que l’on voit depuis un an avec la remontée rapide de l’inflation à un niveau record en une trentaine d’années. Ça survient après un épisode d’assouplissement quantitatif d’une ampleur considérable par les banques centrales afin de soutenir l’économie durant la crise de la pandémie, auquel se sont ajoutés des dépenses et des déficits budgétaires record des gouvernements pour l’aide financière aux particuliers et aux entreprises durant la crise. »

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