Les Britanniques, qui commencent à porter le deuil de leur souveraine bien-aimée, sont en deuil depuis longtemps de ce qui était un autre roc dans leur pays, une économie florissante.

Comment un pays qui a été le berceau du capitalisme moderne et de la révolution industrielle est-il devenu un tel désastre économique et politique ?, se demandait récemment The Economist.

Les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler sur le front économique pour le Royaume-Uni, qui se dirige tout droit vers une récession profonde. Le pays ne s’était pas encore remis des années de dissensions qui ont précédé et suivi sa sortie de l’Union européenne, et qui se poursuivent toujours, quand la guerre en Ukraine a éclaté.

La crise énergétique qui en est résultée est une catastrophe pour les Britanniques, qui sont insulaires et qui n’ont pas les mêmes options que le reste de l’Europe pour atténuer la hausse du prix de l’énergie.

La facture énergétique des ménages britanniques, qui a doublé depuis un an, continue d’augmenter. Une autre augmentation de 80 % s’annonçait pour le 1er octobre, ce qui a forcé le gouvernement britannique à réagir avec une autre injection massive d’argent pour atténuer le choc.

La première ministre Liz Truss, qui vient de succéder à Boris Johnson, a dû rétropédaler assez vite. Elle qui s’était clairement prononcée contre les aides directes de l’État parce qu’elles ne règlent pas les problèmes de fond doit faire exactement le contraire.

Quelques jours après son arrivée au 10 Downing Street, la nouvelle première ministre a annoncé un programme d’aide sans précédent pour aider les Britanniques à faire face à l’augmentation du prix de l’énergie. Celui-ci sera plafonné pour deux ans, avec l’objectif de calmer l’inflation.

Le coût de ces mesures d’aide, qui s’ajoutent à celles déjà instaurées par le gouvernement précédent et qui se sont vite avérées insuffisantes, n’a pas été précisé. Mais on sait que ça coûtera cher. Selon les estimations du Times de Londres, l’addition s’élèverait à 150 milliards de livres (227 milliards de dollars canadiens), soit une somme deux fois plus importante que l’aide publique consentie aux travailleurs par le gouvernement pendant la pandémie.

L’inflation à 22 % ?

Les problèmes d’approvisionnement générés par le chaos post-Brexit avaient déjà fait grimper le coût de la vie au Royaume-Uni plus vite qu’ailleurs en Europe. La Banque d’Angleterre, qui avait été la première des grandes banques centrales à relever ses taux d’intérêt l’an dernier, doit mettre les bouchées doubles pour combattre une inflation qui dépasse actuellement les 10 %.

La Banque d’Angleterre a reporté sa décision sur les taux qui devait être annoncée la semaine dernière, en raison de la mort d’Élisabeth II, mais une autre augmentation est attendue. Lors de sa plus récente annonce, en août, la banque avait reconnu que les pressions inflationnistes s’étaient intensifiées et que le taux officiel d’inflation atteindrait 13 % cet automne. Une récession est inévitable, prévoit la Banque d’Angleterre, et elle pourrait durer longtemps.

Si la crise énergétique devait durer plus longtemps, le taux d’inflation pourrait grimper au-delà de 22 %, selon les économistes, dont ceux de Goldman Sachs.

Le déclin de l’économie britannique se reflète dans la valeur de sa monnaie, qui a touché récemment un creux de 37 ans par rapport à la devise américaine et qui continue de baisser face à l’euro.

La nouvelle première ministre est donc entrée dans un champ de ruines et elle promet de remettre le pays sur la voie de la prospérité. Sa recette principale consiste à réduire les taxes et les impôts, en digne admiratrice de Margaret Thatcher qu’elle se vante d’être.

Liz Truss a déjà fait savoir qu’elle lèvera le moratoire sur la fracturation hydraulique et encouragera l’exploration pétrolière en mer du Nord afin d’augmenter la sécurité des approvisionnements en pétrole et en gaz.

Comme beaucoup d’autres pays, le Royaume-Uni s’est engagé à atteindre la carboneutralité en 2050. Mais l’augmentation incontrôlable du prix de l’énergie pousse maintenant le pays vers l’abandon de ses engagements en matière de lutte contre les changements climatiques. Aussitôt arrivée, la première ministre a dit vouloir réexaminer l’objectif de neutralité carbone en 2050 « pour s’assurer qu’il ne fait pas porter un fardeau trop lourd aux entreprises et aux consommateurs », a-t-elle déclaré publiquement.

On ne devrait pas avoir à choisir entre l’environnement et l’économie. Quand ça arrive, l’économie gagne souvent.