Certains diront que la pandémie a le dos large. D’autres estiment qu’elle a tout changé. Rupture des chaînes d’approvisionnement, pénurie de main-d’œuvre, refus de se présenter au travail à temps plein. Et la liste se poursuit. Dans le secteur des évènements d’affaires, comme les réunions et congrès, de nouveaux défis se posent pour les organisateurs.

Dans l’industrie du tourisme d’affaires, pas moins de 5800 évènements ont été reportés ou annulés depuis l’annonce de la fermeture de l’économie du Québec, le 13 mars 2020. Mais le printemps 2022 marquait le retour en force des évènements en présence avec peu ou pas de contraintes sanitaires. Ces milliers d’évènements ont ainsi été relogés à compter du mois d’avril dernier et le carnet de commandes d’une majorité d’hôteliers est plein au moins jusqu’au deuxième trimestre de 2023.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Gilber Paquette, directeur général de Tourisme d’affaires Québec

Hausse marquée du coût total d’un évènement d’affaires

L’inflation touche l’ensemble de la chaîne de conception d’un évènement d’affaires. Par exemple, comparativement à 2019, le prix des services alimentaires a bondi de 30 %, principalement à cause de l’inflation du coût des aliments. Mais deux facteurs aggravants s’ajoutent : la pénurie de main-d’œuvre, qui engendre une hausse du salaire moyen, et les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, qui créent elles aussi une inflation.

Compte tenu de l’impossibilité de résoudre à court terme le problème de rareté des travailleurs et de juguler l’inflation galopante, le prix des denrées n’est pas près de revenir à la normale. Les organisateurs ne pourront faire autrement que de refiler la facture aux participants.

Augmentation des réservations de dernière minute

Avant la pandémie, nous observions déjà une tendance, celle des réservations de dernière minute. Aujourd’hui, les hôteliers reçoivent un nombre croissant de demandes pour la location de salles à peine quelques jours ou quelques semaines avant l’évènement. Le report des évènements des deux dernières années explique le renforcement de cette tendance et témoigne du besoin pour les entreprises de réunir leurs employés dans des lieux dotés d’une forte capacité d’accueil, ce que l’établissement de l’employeur ne permet souvent pas.

À titre d’exemple, j’organisais récemment à Lévis un évènement rassemblant environ 180 participants et qui se tient annuellement depuis près de 20 ans. Avant la pandémie, nous étions en mesure de confirmer la présence de nos participants environ 21 jours en amont de l’évènement. Cette année, la majorité des confirmations ont été reçues dans la semaine précédant l’évènement et jusqu’à deux jours avant sa tenue. Imaginez l’impact de ce nouveau phénomène sur la logistique. Combien de repas faut-il prévoir ? Puisque nous devons confirmer les quantités finales plusieurs jours avant l’évènement afin que le traiteur puisse commander les denrées nécessaires, nous sommes obligés de « surcommander », ce qui entraîne du gaspillage. Force est d’admettre que les organisateurs d’évènements devront apprendre à composer avec cette tendance, qui, souhaitons-le, ne s’inscrira pas comme une nouvelle réalité.

Dans un contexte de développement durable et responsable, les organisateurs devront sensibiliser leurs participants afin d’éliminer le gaspillage alimentaire.

De plus en plus d’absences

Mais nous observons aussi l’accentuation d’un autre phénomène, que l’on nomme les no-show dans notre jargon, c’est-à-dire une personne dûment inscrite à un évènement, mais qui ne s’y présente pas. Avant la pandémie, le taux d’absence pouvait varier globalement entre 5 % et 20 % selon le type d’évènement, alors qu’aujourd’hui, certains évènements enregistrent la colossale proportion de 40 % d’absence (surtout parmi les évènements gratuits). Comment expliquer ce phénomène ? Tourisme d’affaires Québec a mené un sondage qui révèle que les participants se disent débordés au travail et que le manque de main-d’œuvre dans leur propre secteur d’activité les empêche de pouvoir s’absenter du travail. Assisterons-nous à de plus en plus d’évènements en soirée ?

L’évènement hybride : quel avenir ?

Les réunions hybrides, lesquelles se déroulent en partie en présence et en partie à distance, se sont développées durant la pandémie parce que les capacités d’accueil étaient réduites et que beaucoup de participants ne se sentaient pas à l’aise de se rassembler. Ces réunions sont très coûteuses (souvent le double du prix d’un évènement en présence) et elles requièrent beaucoup plus d’heures de travail. Au cours d’un atelier organisé par Tourisme d’affaires Québec le 14 juin dernier, les participants nous ont révélé qu’organiser un évènement hybride consistait en fait à gérer deux évènements. Ainsi, peut-on penser que les évènements hybrides ont un avenir ? Pour ma part, je pense que les évènements vont se polariser soit vers une version 100 % en personne, soit vers une version entièrement virtuelle, compte tenu des enjeux énoncés ici.

Le legs de la pandémie

La pandémie vient créer une pression de plus sur les organisateurs. Aux défis logistiques s’ajoute la nécessité de faire vivre une expérience hors du commun aux participants afin de les attirer en présence. Ils devront trouver sans cesse de nouvelles idées pour créer de la valeur et éblouir leurs invités.

Les organisateurs qui maîtrisent les processus de création seront ceux qui obtiendront les meilleurs résultats.