« On dit habituellement que le prix de l’or augmente lors des périodes inflationnistes. On dit aussi qu’il augmente lorsqu’il y a beaucoup d’incertitude. Cependant, malgré le fait que ces deux facteurs sont réunis, le prix de l’or est assez stable depuis deux ans et il a même baissé dernièrement. L’énoncé ci-dessus est-il faux ou y a-t-il d’autres facteurs ? »
— Jacques L.

L’or est considéré comme une valeur refuge parce que le métal précieux est faiblement corrélé avec les actifs financiers comme les actions et les obligations.

Depuis le début de 2022, une période de grande inquiétude et de forte volatilité sur les marchés financiers, le prix de l’once d’or s’est faiblement apprécié de 3 %. À titre de comparaison, l’indice Dow Jones a perdu près de 10 % de sa valeur, et le NASDAQ, indice de titres à forte coloration technologique, a fait bien pire, glissant de 22 %.

Donc, on le voit, le prix de l’or ne fluctue pas dans le même sens ni dans les mêmes proportions que le prix des actions.

Ensuite, on répète souvent que l’or procure une protection contre l’inflation à long terme, ce qui n’empêche pas des réactions inattendues à plus court terme.

Pour démontrer la protection à long terme que procure l’or contre l’inflation, comparons le métal jaune à un bien tangible comme une maison.

Aux États-Unis, acheter une maison en 1915 coûtait 3200 $, soit environ 155 onces d’or au prix de l’époque. Au prix d’aujourd’hui, 155 onces d’or représentent une valeur de 291 710 $ US. En février 2022, l’indice Case-Shiller du prix des maisons aux États-Unis se situait à… 286 679 $ US. C’est presque magique.

Si le prix des maisons devait continuer à grimper aux États-Unis, il y a fort à parier qu’à la longue, le prix de l’or s’ajusterait en conséquence, comme il l’a si bien fait dans le passé.

L’or réagit aussi aux évènements géopolitiques. Le métal a frôlé son sommet de tous les temps le 8 mars dernier dans les jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine. Cette réaction de peur est souvent éphémère. L’or a d’ailleurs reculé rapidement quand le marché a réalisé que le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale n’aurait pas lieu immédiatement, Dieu merci.

Évidemment, d’autres facteurs que l’inflation et la guerre influent sur le cours de l’or.

Les taux d’intérêt en sont un. Quand le rendement qu’un investisseur espère obtenir sur un placement sûr, comme les obligations du gouvernement américain de 10 ans, augmente, le coût d’opportunité de détenir de l’or augmente puisque le lingot ne rapporte pas de revenu. L’or devient ainsi moins populaire, et son prix réagit à la baisse.

Actuellement, la réaction timide du prix de l’or face aux pressions inflationnistes traduit la confiance que le marché porte à la capacité des banques centrales à terrasser le dragon de l’inflation le plus tôt possible, en augmentant agressivement les taux d’intérêt. Le cas échéant, le prix de l’or n’ira nulle part.

L’avenir nous dira si nos saint Georges de la Fed et de la Banque du Canada relèveront ce défi avec succès, après tout, ce sont les deux mêmes personnes qui ont affirmé pendant des mois que l’inflation était transitoire.

En attendant, les taux d’intérêt réel demeurent en territoire négatif tant au Canada qu’aux États-Unis. Par exemple, le rendement des obligations aéricaines de 10 ans est d’environ 3 %, alors que le taux d’inflation tourne autour de 8 %. L’un moins l’autre, la différence donne un rendement négatif.

Dans le passé, l’or a su tirer son épingle du jeu dans un contexte de taux réels négatifs, rappelle avec à-propos la firme Incrementum AG. Dans les périodes où les taux réels ont été négatifs entre 1971 et 2021, le taux de rendement annualisé sur l’or après inflation s’est élevé à 11,4 %, selon les chiffres rapportés dans son rapport annuel intitulé In Gold We Trust.

Il est pertinent d’indiquer que l’or s’est vendu à un prix annuel moyen record en 2021, année où l’inflation a finalement montré le bout de son nez. Il s’est élevé à 1798,89 $ US en 2021, soit plus que les 1773,73 $ US de 2020.

Le journaliste André Dubuc est le coauteur avec François Riverin du livre Investir dans l’or – Le nouveau Klondike à la portée de tous, publié chez Guy Saint-Jean Éditeur