Que des firmes de capital-risque concurrentes s’associent pour mettre sur pied un nouveau fonds de technologies circulaires de 160 millions US, comme l’ont annoncé jeudi Cycle Capital et Demeter, c’est peu banal.

Mais que ces gestionnaires, établis à Montréal et à Paris, soient évalués et rémunérés non seulement en fonction du rendement financier, mais aussi en fonction de 14 indicateurs comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la diversité au sein des entreprises et l’utilisation des ressources, cela est « une première dans le capital de risque », assure Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée directrice de Cycle Capital.

« La barre reste aussi haute, mais on ajoute un niveau de challenge, explique-t-elle en entrevue. Nos investisseurs nous demandent d’aller un cran plus loin […] Les bottines vont suivre les babines. »

Recycler plutôt que puiser

Le nouveau Circular Innovation Fund a comme investisseur principal L’Oréal, qui y contribue à hauteur de 50 millions d’euros (68 millions CAN) et qu’on présente comme instigateur du projet. On compte également sur la participation d’Axens et de bureaux de famille tels que Haltra et Claridge.

On veut essentiellement financer des entreprises en phase de croissance axées sur ce qu’on appelle l’« innovation circulaire ». « Il faut arrêter de puiser les ressources, elles existent déjà », résume Mme Méthot.

Recyclage, procédés écoefficients, atténuation des changements climatiques, réutilisation des matériaux, « le but est de construire des champions de l’économie circulaire, des entreprises qu’on prend à un moment où elles ont des revenus sans être nécessairement rentables, pour les conduire à de plus grands chiffres d’affaires et les rendre plus profitables », explique Stéphane Villecroze, cofondateur et associé directeur de Demeter.

Il estime que les défis environnementaux, pour être relevés, doivent prendre en considération l’ensemble de la chaîne, « de l’écoconception jusqu’au comportement des consommateurs ». Les entreprises candidates seront recrutées en Europe, en Amérique du Nord et en Asie.

Mme Méthot donne deux exemples d’innovations prometteuses dans ce domaine : le remplacement des microbilles de plastique et des pigments utilisés pour la peinture et la coloration des vêtements par des solutions « biosourcées », c’est-à-dire provenant de matières biologiques.

Exposer les jeunes pousses

On s’attend à un maximum d’une quinzaine d’investissements directs dans des entreprises, équivalant en moyenne à 14 millions CAN. Trois investissements seront destinés à des fonds de capital de risque ayant une vocation compatible. Deux ont déjà été annoncés : Closed Loop Partners, dont le siège est à New York, et European Circular Bioeconomy Fund (ECBF), dont le siège social est à Bonn, en Allemagne.

Près de 1 % des fonds seront en outre destinés à de jeunes pousses, au stade de l’amorçage ou de la série A, en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. « C’est une occasion pour les entrepreneurs d’être exposés à de très grands joueurs », précise Mme Méthot.

Cycle Capital, fondée en 2009 à Montréal, se décrit comme « la plus importante plateforme de capital de risque en technologies propres au Canada ». Elle dispose de 600 millions de dollars d’actifs sous gestion et compte notamment dans son portefeuille des entreprises comme Enerkem, Polystyvert, MineSense et Mysa. Quant à Demeter, elle a réalisé quelque 200 investissements depuis 2005, des jeunes pousses innovantes aux projets d’infrastructure et aux PME en forte croissance, et gère un actif de 1 milliard d’euros (1,36 milliard CAN).