Le taux de chômage a explosé dans la plupart des pays depuis un an. Aux États-Unis, malgré la reprise graduelle de l’économie, des millions de gens sont toujours sans emploi. En même temps, un nombre croissant d’employeurs américains se plaignent de la difficulté à recruter, un discours qu’on entend aussi beaucoup de ce côté-ci de la frontière.

Une pénurie de main-d’œuvre en période de chômage élevé, ça se peut ? Non, de l’avis de plusieurs observateurs du marché de l’emploi aux États-Unis. « Dans les bonnes comme dans les mauvaises périodes, il y a toujours des employeurs qui se plaignent de ne pas pouvoir trouver les employés dont ils ont besoin », souligne Heidi Shierholz, une économiste du groupe de réflexion indépendant Economic Policy Institute, dans une analyse récente.

Selon elle, l’affirmation « je ne trouve pas d’employés » devrait plutôt se dire « je ne trouve pas d’employés au prix que je veux payer ».

Le marché du travail des États-Unis est un des plus dynamiques au monde. Il réagit généralement très vite aux chocs. Depuis le début de la pandémie, le taux de chômage est passé de 3,5 %, en février 2020, à plus de 14 % en avril de la même année. Il est actuellement autour de 6 %.

Le fonctionnement du marché du travail est complexe. Il n’y a jamais d’équilibre parfait entre les besoins du marché et les travailleurs disponibles. Le départ à la retraite des baby-boomers est une tendance lourde qui diminuera le bassin de main-d’œuvre disponible aux États-Unis, estime le Conference Board des États-Unis dans une récente étude, ce qui pourrait réduire la croissance à long terme de l’économie américaine.

On n’en est pas encore là. De tout temps, nombre d’emplois qualifiés ont été difficiles à pourvoir. Mais qu’on soit en période d’expansion économique ou de récession, le recrutement est toujours plus difficile pour les emplois les plus ingrats et les moins bien payés.

C’est ce qui se passe actuellement aux États-Unis, où les employeurs qui se plaignent le plus d’une pénurie de main-d’œuvre sont ceux qui paient le moins. Comme au Canada, le commerce de détail, la restauration et l’hôtellerie peinent à trouver des employés pour relancer leurs activités après la pandémie, alors que presque 10 millions de personnes sont sans emploi.

Comme au Canada avec la PCU, les employeurs américains pestent contre l’assurance-emploi qui a été bonifiée par le gouvernement pour atténuer l’impact de la crise et qui nuit au recrutement. Ça peut avoir une influence, mais beaucoup d’entreprises de ces secteurs avaient déjà du mal à recruter des employés avant la pandémie.

C’est la raison pour laquelle la Réserve fédérale américaine (FED) ne s’inquiète pas beaucoup des cris d’alarme des employeurs qui se multiplient alors que le taux de chômage est presque le double de ce qu’il était avant la pandémie.

S’il y avait une pénurie de main-d’œuvre, les salaires augmenteraient, ce qu’on ne voit pas encore, a dit le président de la Fed, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse le 28 avril dernier.

Si on se rappelle bien, avant la crise sanitaire, au terme de la plus longue période d’expansion économique des États-Unis, la Réserve fédérale s’étonnait que les salaires n’augmentent pas au même rythme pour refléter cette prospérité. Alors que le taux de chômage n’était que de 3,5 % et que les profits des entreprises explosaient, les salaires n’ont pas suivi.

Des solutions

Il y a plusieurs moyens de régler les problèmes de recrutement. Il y en a de plus simples que d’autres, comme faire venir des travailleurs de l’étranger pour avoir accès à une main-d’œuvre prête à accepter les emplois moins bien payés pour commencer une nouvelle vie. Les autres solutions sont plus difficiles : améliorer les conditions de travail, faire de la formation, investir pour automatiser les tâches les plus ingrates. Et augmenter les salaires, ce qui réduit les profits.

Payez et ils viendront, répond en somme l’économiste Heidi Shierholz, qui a servi sous l’administration Obama. Ce n’est peut-être pas aussi simple, mais le salaire reste un élément central de l’équation.