L’île de la Barbade s’est officiellement débarrassée de la monarchie britannique la semaine dernière dans une cérémonie à la fois sereine et festive à laquelle le prince Charles et Rihanna, l’enfant la plus célèbre du pays, ont participé.

Ce genre de défection n’arrive pas souvent. La précédente remontait à 1992 quand l’île Maurice, située dans l’océan Indien, était devenue une république. Dans le cas de la Barbade, l’idée de s’affranchir de la monarchie était dans l’air depuis des décennies.

L’ancienne colonie britannique est devenue une république mardi dernier, qui marquait le 55e anniversaire de l’indépendance du pays acquise en 1966. La décision du gouvernement et un vote majoritaire ont suffi pour quitter le royaume, mais la Barbade a décidé de rester membre du Commonwealth, regroupement formé surtout d’anciennes colonies britanniques, qui se sont engagées à promouvoir la démocratie et la justice sociale.

Le Commonwealth regroupe 54 pays, dont seulement 15 ont encore la reine Élisabeth II comme chef d’État. L’avenir nous dira ce que deviendra le Commonwealth maintenant que l’Inde est sur le point de doubler le Royaume-Uni qui l’a fondé et de devenir la plus importante économie du groupe.

Une première

La nouvelle république de la Barbade sera dirigée par deux femmes, la présidente Sandra Mason, qui est l’ancienne gouverneur générale du pays, et Mia Mottley, première ministre élue en 2018 qui a décidé de franchir le pas sans attendre.

Ce n’était peut-être pas le moment idéal pour tourner le dos à la monarchie et commencer à réécrire l’histoire du pays, à commencer par une nouvelle Constitution.

Le pays vit une crise économique importante, pire que celle de 2008, selon le principal conseiller économique du gouvernement, dont les propos ont été rapportés dans le journal Barbados Today.

Comme tous les pays qui dépendent du tourisme, la Barbade a beaucoup souffert et souffre toujours de la pandémie. La disparition des touristes, qui comptent pour la moitié de l’économie, s’est traduite par une chute de 18 % du produit intérieur brut (PIB) de l’île en 2020. Le taux de chômage dépasse 16 %. Pour cette année, la croissance prévue est de 3,3 %, selon le Fonds monétaire international, qui conclut dans une analyse récente que les perspectives restent très incertaines pour la Barbade.

Le petit pays de moins de 300 000 habitants s’en tire quand même bien comparativement à ses voisins. Il jouit d’un niveau de vie relativement élevé et d’un système d’éducation gratuit. La Barbade se classe bien aussi selon l’Indice de développement humain, qui tient compte du niveau de vie, de l’espérance de vie et de l’accès à l’éducation. Le pays arrive au 78e rang de cet indice calculé par le Programme des Nations unies pour le développement, devant entre autres le Costa Rica et le Mexique.

La Barbade traîne encore une réputation de paradis fiscal, mais l’Union européenne vient de retirer son nom de la liste noire des pays qui ne respectent pas les normes de bonne gouvernance fiscale.

On peut penser que les premiers pas de la nouvelle république dirigée par deux femmes seront scrutés attentivement par l’opposition et par la communauté internationale. Alors que la présidente aura un rôle surtout honorifique, c’est la première ministre qui sera à la barre du pays.

La première ministre Mottley est déjà une figure connue sur la scène internationale. C’est elle qui a brassé la cage lors de la conférence sur le climat qui s’est tenue à Glasgow récemment. Elle a dénoncé fortement l’inaction des pays du G20 et du G7 en matière de changements climatiques devant Joe Biden, Justin Trudeau et Boris Johnson. « Combien d’images et de voix supplémentaires devons-nous voir sur ces écrans sans être capables d’agir ? », les a-t-elle interpellés.

Voyez l’allocution de Mia Mottley (en anglais)

Mia Mottley avait plaidé la même cause devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, dans un discours qui avait marqué les esprits, notamment parce qu’elle y citait Bob Marley et sa chanson Get Up, Stand Up. La Barbade, comme ses voisins des Caraïbes, serait parmi les premières victimes de la montée des eaux due au réchauffement de la planète.

Cette avocate de 56 ans, diplômée de la London School of Economics, et la présidente de la république Sandra Mason feront connaître la nouvelle république de la Barbade autrement que pour les plages, le rhum et le cricket.