(Ottawa) Le vieux contentieux sur le bois d’œuvre ne va pas en s’arrangeant, et le Canada montre des signes d’impatience. Quelques jours après que les États-Unis eurent doublé les tarifs douaniers, la ministre du Commerce international, Mary Ng, remet le cap sur Washington, cette fois avec une « équipe Canada » pour tenter de faire entendre raison aux législateurs.

Cet enjeu sera certes « une priorité » dans les pourparlers qui se dérouleront mercredi et jeudi dans la capitale américaine, mais il n’est pas le seul – il sera aussi question du crédit d’impôt que souhaite offrir l’administration Biden aux véhicules verts assemblés au sud de la frontière, a-t-on indiqué mardi au bureau de la ministre.

En amont de son passage, elle a échangé virtuellement avec son homologue américaine, la représentante au Commerce des États-Unis, Katherine Tai, exprimant entre autres sa « déception quant au doublement des droits de douane américains sur le bois d’œuvre canadien, ce qui nuira aux collectivités, aux entreprises et aux travailleurs canadiens et fera augmenter le coût du logement aux États-Unis », a indiqué son cabinet.

Au sud de la frontière, la ministre Ng rencontrera notamment des dirigeants du Congrès, dont les noms n’ont pas été précisés. C’est donc la deuxième fois en moins de deux semaines que les législateurs américains sont interpellés par les politiciens canadiens sur des questions entourant les mesures protectionnistes que met en place, ou veut implanter, Joe Biden.

Des députés des trois formations reconnues aux Communes accompagneront la ministre à Washington : Randy Hoback (Parti conservateur), Sébastien Lemire (Bloc québécois) et Daniel Blaikie (NPD). Pendant ce temps, à la Chambre des communes, il doit se tenir un débat exploratoire sur le litige, à la demande des bloquistes.

Mais déjà, la table est mise.

Car tant les conservateurs que les bloquistes ont pilonné les libéraux pendant la période des questions en Chambre, mardi après-midi. On leur a reproché d’avoir laissé pourrir cette querelle qui dure depuis 2015. Les droits compensatoires, qui étaient de 8,99 % en moyenne à cette époque, ont bondi à 17,9 % le 24 novembre dernier.

Une semaine, donc, après le tête-à-tête entre Justin Trudeau et Joe Biden à Washington.

« J’ai une question simple pour le premier ministre : de quoi ont-ils parlé ? », s’est enquis le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

Son interlocuteur lui a répondu qu’il avait souligné « encore une fois que l’imposition de tarifs injustes en ce qui concerne le bois d’œuvre ne fonctionne ni pour les Canadiens ni pour les consommateurs américains » et que le gouvernement allait « continuer à être présent et lutter pour l’intérêt de notre industrie forestière ».

« Il est temps d’agir »

La ministre Ng n’a pas été épargnée par les conservateurs. Ces derniers ont remis en doute la menace de représailles lancée la semaine passée par la ministre des Finances, Chrystia Freeland.

« La ministre [Ng] peut-elle, s’il vous plaît, informer la Chambre si elle a l’intention d’aviser les Américains qu’ils ont l’intention d’intenter des poursuites en vertu du chapitre 10 [du nouvel accord de libre-échange] concernant les tarifs ou s’ils ont l’intention de donner un avis sur d’autres mesures de représailles et quelles sont celles-ci ? Cela fait six ans. Il est temps d’agir », s’est impatientée la députée Michelle Rempel Garner.

Cette nouvelle salve protectionniste des États-Unis dans le dossier du bois d’œuvre s’ajoute aux autres qui se retrouvent sous le parapluie de la politique « Buy American » chère aux yeux de Joe Biden. Elle est survenue moins d’une semaine après la conclusion du sommet des « Trois Amigos », qui était le premier à se tenir depuis 2016.

Cette année-là, alors que Justin Trudeau avait accueilli à Ottawa les présidents américain Barack Obama et mexicain Enrique Pena Nieto, le dossier du bois d’œuvre était à l’ordre du jour.

Plusieurs voix se sont élevées récemment pour réclamer des libéraux qu’ils travaillent à infléchir les positions de l’administration démocrate en déployant un plan d’attaque comme celui qui avait été mis en œuvre dans le cadre de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Le gouvernement avait alors réuni des acteurs du milieu des affaires, des leaders syndicaux et d’anciens politiques de toutes allégeances, pour mener le projet à bon port.