Augmentation de 68 % du prix des huiles, de 31 % pour les céréales, de 48 % pour le sucre… Depuis août 2020, les prix mondiaux des matières premières s’envolent pour atteindre des niveaux historiques. En tenant compte de la hausse du coût des transports et de la main-d’œuvre, le Québec se retrouve avec une inflation de 2,5 % sur les produits alimentaires, d’après un rapport publié en octobre par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). Et nous ne sommes certainement qu’au début d’une crise économique majeure.

Plusieurs causes de la hausse des prix

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le prix des céréales a bondi de 31 % sur le marché mondial, entre août 2020 et août 2021.

Cette hausse des prix peut s’expliquer de plusieurs façons. Tout d’abord, sur le plan mondial, le dérèglement climatique induit des inondations et des sécheresses, qui ont des répercussions sur les rendements en agriculture. « Qu’il y ait une pandémie ou non, c’est un facteur invariable qui complique les choses chaque année », souligne Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie. Ensuite, la pandémie a chamboulé l’économie mondiale. Après une crise majeure comme celle-ci, « relancer la chaîne alimentaire mondiale, c’est un peu comme diriger un paquebot avec des rames : le redémarrage va être extrêmement lent », ajoute-t-il. Enfin, à cause de la pénurie de main-d’œuvre, la crise économique frappe de plein fouet les restaurateurs : l’inflation est de 3,4 % pour les aliments achetés en restaurant, comparativement à 2,1 % pour ceux achetés en magasin.

Le coût de la main-d’œuvre a augmenté de façon dramatique : il y a une rareté de main-d’œuvre, alors les employeurs augmentent les salaires pour garder l’attractivité.

JoAnne Labrecque, professeure de marketing à HEC Montréal

L’inflation au Québec en chiffres

4,4 % pour l’ensemble des biens et des services
2,5 % pour l’ensemble des aliments (restaurants et magasins)
2,1 % pour les aliments achetés en magasin
3,4 % pour les aliments achetés au restaurant

Source : ​​​BioClips 2021​ du MAPAQ, sur la période d’août 2020 à août 2021

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

L’inflation est très forte (3,4 %) pour les aliments achetés au restaurant.

On peut attendre en espérant que l’inflation ne soit que temporaire : on a des problèmes d’approvisionnement, des pénuries de marchandises qui sont liées à la chaîne logistique, qui vont se résorber éventuellement.

Maurice Doyon, directeur du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval

Quelques pistes pour le consommateur

Il est possible de modifier ses habitudes de consommation pour éviter la flambée des prix de certaines denrées. « En alimentation, il y a quand même beaucoup de substitutions possibles, donc en réalité, ce n’est pas vrai qu’on va être touchés à 2,5 %. Habituellement, on est capable de réduire cet impact », souligne Maurice Doyon, directeur du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval. On peut par exemple remplacer la viande par le poisson, qui n’est pas touché par l’inflation pour le moment.

Les aliments particulièrement touchés par l’inflation

18,5 % pour le porc
13,8 % pour les graisses et huiles
11,1 % pour le beurre
8,7 % pour les œufs

Source : ​​​BioClips 2021​ du MAPAQ, sur la période d’août 2020 à août 2021

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Le prix des œufs a augmenté de 8,7 % entre août 2020 et août 2021.

Dans une situation comme celle-ci, on est tenté d’acheter « en grande quantité parce qu’il y a un rabais, mais ensuite, on en jette la moitié parce qu’on n’a pas eu le temps de tout manger », soutient JoAnne Labrecque, professeure de marketing à HEC Montréal. Autant que possible, il est souhaitable d’acheter local pour soutenir les entreprises alimentaires québécoises. Mais les produits locaux sont parfois chers et « il ne faut pas faire de recommandations qui culpabilisent », indique JoAnne Labrecque. Par exemple, « la tomate du Mexique est moins chère que la tomate locale, donc le choix s’impose pour les gens qui ont de faibles revenus ».

Dans la mesure du possible, il faut conscientiser les consommateurs sur leur capacité à contribuer à réduire le gaspillage, mais aussi à aider la santé de nos entreprises locales.

JoAnne Labrecque, professeure de marketing à HEC Montréal

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

De grandes quantités d’aliments achetées en solde risquent fortement de se perdre avant d’être consommées.

Pour les familles à faibles revenus en particulier, le Dispensaire diététique de Montréal propose une liste de prix pour des produits nutritifs de base, mise à jour régulièrement, pour une famille de quatre personnes. Cette liste de référence permet de repérer les circulaires intéressantes et d’éviter les prix gonflés artificiellement. « Dans cette liste, on a très peu ou pas du tout d’aliments transformés », souligne Julie Paquette, directrice générale du Dispensaire diététique de Montréal. Pour varier son alimentation et adapter ses menus de la semaine en fonction des rabais, le Dispensaire accompagne également les familles en leur offrant la « possibilité de développer certaines compétences, dont celles associées à la cuisine », ajoute-t-elle.

Consultez le rapport BioClips​ du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (5 octobre 2021) Consultez le panier de provisions nutritif du Dispensaire diététique de Montréal (mai 2021) Lisez notre chronique « Faire l’épicerie, ça s’apprend »