(Ottawa) L’économie canadienne a marqué une étape importante le mois dernier, alors que le marché du travail est revenu pour la première fois à ses niveaux d’avant la pandémie, récupérant le reste des trois millions d’emplois disparus il y a plus d’un an avec la création de 157 000 postes en septembre.

Les hausses d’emplois de septembre étaient généralisées et se concentraient dans le travail à temps plein, avec des gains notables dans les industries où de nombreux travailleurs continuent de travailler à distance. Certains gains du secteur public étaient attribuables aux élections fédérales du 20 septembre.

L’emploi pour les femmes d’entre 25 et 54 ans a finalement repris au début de l’année scolaire, quelques mois après qu’elles ont enregistré une quantité disproportionnée des pertes d’emplois.

La difficile reprise suivant la baisse historique de l’emploi de l’année dernière s’accompagne de quelques mises en garde des spécialistes, qui soulignent que l’économie n’est pas encore sortie du bois.

Alors que le taux de chômage a atteint 6,9 % le mois dernier, par rapport à 7,1 % en août, le nombre de Canadiens au chômage reste supérieur aux niveaux d’avant la pandémie. Ce taux de chômage aurait été de 8,9 % en septembre, par rapport à 9,1 % en août, si Statistique Canada avait inclus dans son calcul les Canadiens qui voulaient travailler, mais qui n’étaient pas à la recherche d’un emploi.

Le rebond aux niveaux prépandémiques ne tient pas non plus compte de la croissance démographique et de ce dont le pays aurait l’air s’il avait évité à la COVID-19. Statistique Canada a estimé que l’économie aurait besoin de 110 000 à 270 000 emplois supplémentaires pour combler cet écart.

Brendon Bernard, économiste principal pour le site d’offres d’emploi Indeed, a estimé que cette deuxième étape serait probablement atteinte l’année prochaine.

Des secteurs plus en retard

Certains secteurs où les contacts physiques sont plus courants — comme celui du commerce de détail, qui a perdu 20 000 emplois en septembre, et celui des services d’hébergement et de restauration, qui ont connu leur première baisse en cinq mois alors que 27 000 emplois ont été perdus — restent plus éloignés de leurs niveaux prépandémiques, malgré un assouplissement des restrictions.

« En fin de compte, c’est la pandémie qui décidera quand ces secteurs pourront complètement retrouver leur pleine santé », a observé l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter.

« Bien que les données d’aujourd’hui soient un motif de célébration, nous devons être conscients que tous les secteurs et toutes les régions ne se sont pas complètement rétablis par tous les moyens. Le travail n’est pas terminé. »

Le nombre de chômeurs de longue durée, soit ceux qui sont sans travail depuis six mois ou plus, a peu changé le mois dernier et s’est établi à 389 000, ce qui reste deux fois plus élevé qu’en février 2020.

Selon Leah Nord, directrice principale des stratégies de main-d’œuvre à la Chambre de commerce du Canada, il existe peu de données permettant d’expliquer pourquoi ils n’ont pas pu rejoindre la population active depuis des mois.

« Analysons cela et examinons cette boîte à outils politique au-delà de ce que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui, ce qui, ne vous méprenez pas, était nécessaire pendant la pandémie. Mais pour nous faire avancer, que faut-il faire maintenant ? »

Anthony Mantione, économiste principal au Conseil d’information sur le marché du travail, a souligné que la situation pourrait s’expliquer en partie par une inadéquation des compétences avec les emplois disponibles. Selon lui, concentrer les efforts sur les chômeurs de longue durée pourrait être bénéfique puisqu’ils représentent un quart de tous les chômeurs et que la difficulté, pour eux, de trouver un emploi va s’accentuer avec le temps passé sans travail.

La publication du rapport sur l’emploi de vendredi survient deux semaines avant l’expiration d’une série de programmes d’aide fédéraux, le 23 octobre. Les libéraux de Trudeau sont pressés de revoir ces mesures et de les prolonger pour un autre mois, et le gouvernement minoritaire est poussé politiquement par le Nouveau Parti démocratique à ne pas réduire le soutien.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a évoqué cette semaine des mesures de soutien aux entreprises plus ciblées aux secteurs en retard, comme le tourisme. Vendredi, la ministre de l’Emploi, Carla Qualtrough, a indiqué que le gouvernement apporterait un soutien aux travailleurs qui en ont besoin.

« Alors que les Canadiens sont de retour au travail et que la reprise est en cours dans tout le pays, nous savons que la quatrième vague est là et qu’elle a frappé certaines régions plus durement que d’autres. En même temps, certains secteurs de l’économie continuent de faire face à des défis », a-t-elle affirmé dans une déclaration.

« C’est pourquoi nos soutiens d’urgence sont toujours là pour les Canadiens et les entreprises canadiennes qui en ont besoin. »

Décision prochaine de la Banque du Canada

De même, la Banque du Canada a environ deux semaines pour décider de ce qu’elle fera de son programme de relance avant sa prochaine annonce au sujet des taux d’intérêt, le 27 octobre.

La banque centrale a suivi la progression du marché du travail dans ses délibérations sur la trajectoire de son taux directeur et de son programme d’achat d’obligations qui vise à garder les taux d’intérêt à un faible niveau et à stimuler les dépenses de consommation.

Jeudi, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a affirmé que les frictions sur le marché du travail étaient attribuables aux circonstances uniques de la pandémie, certains travailleurs ne voulant pas revenir pour des raisons de santé, tandis que les responsabilités en matière de garde d’enfants peuvent en freiner d’autres.

« Ce que nous voyons ici, c’est qu’il est plus compliqué d’ouvrir l’économie que de la fermer, et ce processus par lequel les entreprises trouvent des travailleurs et les travailleurs trouvent de bons emplois, cela prend un certain temps », a affirmé M. Macklem.

Il a également indiqué que la banque centrale s’intéresserait à la croissance des salaires afin qu’elle ne devienne pas un moteur indépendant de l’inflation, qui dépasse actuellement l’objectif de la banque.

Statistique Canada a indiqué que les salaires avaient augmenté de 1,7 % en septembre par rapport à l’an dernier, et de 4,6 % par rapport à 2019, une cadence que M. Porter a qualifiée de bonne, mais de forte.

L’économiste Royce Mendes, de la Banque CIBC, a estimé que les principaux chiffres du mois ouvraient la voie à une nouvelle réduction de la cadence du programme d’achats d’obligations de la Banque du Canada, lors de son annonce de la fin octobre.