À quelques jours de l’échéance électorale, tous les partis ont pris des engagements qui se comptent par dizaines de milliards pour améliorer le sort des Canadiens. Qui paiera pour ces promesses coûteuses ? La réponse varie selon les partis, mais pourrait se résumer ainsi : l’argent est déjà là, et il suffit de le redistribuer autrement, ou bien il en manque, mais le gouvernement qui sera élu le 20 septembre a les moyens d’aller le chercher là où il est.

Alors que le déficit fédéral est à un niveau record, des candidats des cinq principaux partis ont débattu vendredi de la pertinence de dépenser davantage, à l’invitation de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

La nécessité de limiter les dépenses et de retrouver à l’équilibre budgétaire n’est une priorité pour aucun des participants, à l’exception de Vincent Duhamel, ancien dirigeant de Fiera Capital, qui se présente sous la bannière conservatrice dans Brome-Missisquoi.

L’équilibre budgétaire est important pour créer une résilience en prévision de la prochaine crise. Le bilan qu’on a ne nous permet pas de le faire.

Vincent Duhamel, candidat conservateur dans Brome-Missisquoi

Le Parti conservateur s’engage pourtant à dépenser davantage s’il est élu, mais il sera plus discipliné que le Parti libéral en empêchant les dépenses d’augmenter plus vite que le PIB, selon son candidat qui croit aussi qu’à terme, le fardeau fiscal des Canadiens devra être réduit.

La libérale Sophie Chatel, candidate dans Pontiac, estime pour sa part que « ce n’est pas le moment de s’obséder avec le déficit ». En dépensant sans compter pour atténuer l’impact de la pandémie et en promettant de continuer à le faire, « on a évité des faillites en cascade et ça permet de sortir plus rapidement de la crise. La dernière fois [en 2008], ça avait pris 10 ans », a rappelé la fiscaliste.

Cadres financiers absents ou imprécis

D’entrée de jeu, Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, a rappelé l’important pour les électeurs de connaître le coût des engagements électoraux et la façon dont ils seront financés. « Les partis peuvent avoir des objectifs louables, mais sont-ils réalisables ? », a-t-il demandé.

Même si la campagne électorale tire à sa fin, les cadres financiers de deux des partis (le NPD et le Parti vert) se font toujours attendre. Des trois partis qui ont chiffré leurs engagements (Parti libéral, Parti conservateur et Bloc québécois), deux l’ont fait sur un horizon de cinq ans et un seul a précisé l’effet de ses engagements sur l’endettement public, ce qui rend leur évaluation difficile.

La formule du débat de vendredi, auquel 500 personnes s’étaient inscrites, n’a pas permis de creuser beaucoup ces questions complexes.

Le NPD croit que l’État canadien a la capacité d’aller chercher de nouveaux revenus chez les plus riches et auprès des entreprises qui ont fait des profits faramineux pendant la pandémie. « On doit aller chercher l’argent là où il est », a martelé Ève Péclet, candidate du parti de Jagmeet Singh dans Outremont.

L’argent, a-t-elle précisé, est aussi dans les subventions à l’industrie pétrolière, qui devraient être éliminées, et dans la Banque de l’infrastructure du Canada dont les fonds pourraient être investis dans la lutte contre les changements climatiques.

L’économiste Jean-Denis Garon, qui défend les couleurs du Bloc québécois dans Mirabel, croit lui aussi que les banques, et les entreprises qui ont multiplié leurs profits pendant la pandémie, doivent être mises à contribution pour financer les nouvelles dépenses.

Pour accélérer la transition énergétique, Jean-Denis Garon a parlé d’une « péréquation verte » qui pénaliserait les provinces qui polluent et récompenserait les provinces qui font des efforts pour lutter contre les changements climatiques.

Il faut faire l’inverse de ce que propose le plan conservateur en matière de lutte contre les changements climatiques, qui veut remettre au consommateur une partie de la taxe carbone, croit pour sa part Luc Joli-Cœur, qui représente le Parti vert dans Ahuntsic-Cartierville. « C’est plus tu pollues et plus on te récompense », a-t-il résumé.

Le candidat estime que la proposition du Parti vert d’instaurer un revenu minimum garanti ne doit pas être considérée comme une dépense. « C’est un investissement parce que comme collectivité, on va y gagner », a-t-il soutenu.

« Ce qui attire les investisseurs, ce n’est pas la fiscalité, ce sont les programmes sociaux, la sécurité et la qualité de vie. »