(Washington) Des millions d’Américains qui s’étaient retrouvés au chômage avec la pandémie ont désormais repris le travail, mais les travailleurs noirs et hispaniques peinent, eux, à se faire embaucher de nouveau, une inégalité qui ronge les États-Unis depuis des décennies.

Ces disparités sont alimentées non seulement par une discrimination de longue date en matière d’emploi, pointent les experts, mais encore par des perturbations spécifiques, liées à la COVID-19, empêchant certains chômeurs de trouver un emploi auquel ils peuvent se rendre, ou dans lequel ils peuvent se sentir en sécurité.

Le taux de chômage américain, qui était monté en flèche à 14,7 % en avril 2020 à cause de la COVID-19, est depuis redescendu. Il était de 5,9 % en juin. Mais la reprise n’est pas équitable : le chômage est de 5,2 % seulement pour les travailleurs blancs, mais grimpe à 7,4 % pour les travailleurs hispaniques et à 9,2 % pour les travailleurs noirs.

Un fossé racial et ethnique que la première économie du monde connaissait déjà avant la pandémie, lorsque le chômage était au plus bas en 50 ans.

« Quand j’ai commencé à étudier l’économie en 1963, la richesse moyenne des familles noires représentait environ 15 % de celle moyenne des familles blanches », a déclaré jeudi la secrétaire au Trésor Janet Yellen.

« Presque six décennies plus tard […] c’est toujours 15 % », a-t-elle déploré.

Le président Joe Biden a promis de s’atteler à ce problème, arguant que les deux plans d’investissements massifs qu’il espère faire passer au Congrès peuvent assurer une reprise économique durable et plus inclusive.

C’est aussi l’objectif de la Banque centrale américaine (Fed), lorsqu’elle indique vouloir laisser les taux directeurs proches de zéro pendant un moment afin de favoriser l’emploi parmi les minorités, ce qui avait pris près d’une décennie après la crise financière mondiale de 2008.

« Gâteau plus gros »

« Tout le monde fait mieux lorsque le gâteau est plus gros, et le gâteau grossit en étant offensifs sur ces sujets », a expliqué à l’AFP William Spriggs, chef économiste de la fédération syndicale AFL-CIO.

« Il y a une inégalité permanente entre les personnes noires et blanches quant à la réembauche », a commenté William Spriggs.

La part de femmes noires à chercher du travail est ainsi plus élevée que celle des femmes blanches. Parallèlement, partout dans le pays, des entreprises peinent à trouver des candidats pour certains postes.

« Ces employeurs se plaignent tous, “on ne peut pas trouver de travailleurs, on ne peut pas trouver de travailleurs”. Les femmes noires sont plus disponibles et pourtant ils ne les embauchent pas », a-t-il déploré, « c’est de la discrimination ».

Pour cet économiste, « tant qu’on ne prendra pas au sérieux la discrimination à l’embauche et au travail, on ne pourra pas avancer ».

Transports et écoles

Les difficultés liées à la pandémie persistent, et elles empêchent certains travailleurs d’accepter des emplois, voire d’en chercher, observe Walter Simmons, président d’Employ Prince George’s, une organisation à but non-lucratif installée dans une banlieue principalement noire et hispanique de la capitale fédérale Washington.

Ainsi, les transports en commun n’ont pas encore repris leurs horaires et fréquences habituelles, une contrainte pour certains demandeurs d’emploi, tandis que crèches et garderies ont été rouvertes à capacités d’accueil réduites, ce qui pose problème lorsque les parents doivent travailler.

Et lorsque plusieurs générations vivent sous le même toit, la crainte est grande de contracter le virus au travail et de contaminer ses proches, à plus forte raison avec la flambée du variant Delta, très contagieux, ajoute Walter Simmons.

« Ce sont trois domaines pour lesquels personne n’a vraiment de réponse. Ils disent juste “revenez au travail” », a-t-il déploré lors d’un entretien avec l’AFP.

Les allocations chômage, plus généreuses et versées pour toutes les personnes sans emploi jusqu’au 6 septembre, permettent encore à ces travailleurs de survivre. Mais la moitié des États du pays les a d’ores et déjà réduites ou supprimées.  

Walter Simmons s’inquiète pour la suite, craignant que « ceux qui luttaient déjà avant la pandémie » se trouvent encore plus en difficulté.

Le taux de chômage de juillet sera publié vendredi, et pourrait avoir encore reculé, à 5,6 %, avec près d’un million d’emplois créés.