(Washington) L’optimisme du printemps fait place au scepticisme en matière d’emploi aux États-Unis : le marché du travail se redresse lentement, toujours confronté à une multitude de freins et menacé par le variant Delta.

Le secteur privé a en effet créé 330 000 emplois seulement en juillet, selon l’enquête mensuelle de la société de services aux entreprises ADP publiée mercredi, soit deux fois moins qu’en juin. C’est aussi deux fois moins qu’attendu.

« La reprise du marché du travail affiche des progrès inégaux, mais avance néanmoins », souligne Nela Richardson, économiste en chef d’ADP tout en reconnaissant que les chiffres de juillet « montrent un ralentissement marqué par rapport au rythme de croissance de l’emploi au deuxième trimestre ».

Cette publication décevante est de mauvais augure pour le taux de chômage de juillet, qui sera publié vendredi. Pour l’heure, il est attendu en baisse de 0,3 point à 5,6 % avec la création de près d’un million d’emplois secteurs privé et public confondus.

Le secteur des services, qui avait été le plus touché par la crise, a créé presque tous les nouveaux emplois en juillet dans le secteur privé, avec 318 000 créations, dont plus de la moitié dans les loisirs et l’hôtellerie.

L’activité dans les services a par ailleurs enregistré en juillet une croissance plus forte que prévu, selon l’indice de la fédération professionnelle ISM également publié mercredi.

« Réparer les fondations brisées »

L’administration de Joe Biden promet emplois et croissance économique à long terme, à condition que le Congrès adopte ses plans d’investissements massifs.

« Nous nous sommes habitués à l’Amérique en tant que première puissance économique mondiale. Nous ne sommes pas voués à le rester, mais avec ces investissements, je pense que ça sera le cas », a vanté la secrétaire au Trésor Janet Yellen, depuis Atlanta.

Nous avons maintenant une chance de réparer les fondations brisées de notre économie tout en construisant quelque chose de plus juste et plus fort qu’auparavant.

La secrétaire au Trésor, Janet Yellen

Dans l’immédiat, malgré le chômage élevé, beaucoup d’employeurs peinent toujours à recruter, notamment pour les emplois les moins bien payés.

« La croissance de l’emploi devrait s’accélérer au cours des prochains mois lorsque les facteurs qui restreignent actuellement l’offre de main-d’œuvre – problèmes de santé, garde d’enfants, allocations chômage supplémentaires – s’amenuiseront », anticipe cependant Rubeela Farooqi, cheffe économiste pour HFE.

La moitié des États du pays a ainsi diminué ou supprimé les allocations chômage exceptionnelles versées face à la pandémie, sans attendre leur expiration début septembre, arguant que ces aides incitent les chômeurs à rester chez eux plutôt qu’à chercher un emploi.

Pourtant, « les premières données montrent un effet minime » de ces suppressions, notait Lydia Boussour, économiste pour Oxford Economics, mardi dans une note.

Réouverture des écoles

« À l’heure actuelle, il est difficile de distinguer les effets sur l’offre de main-d’œuvre des responsabilités de garde (d’enfants notamment, NDLR) induites par la pandémie, des craintes de contracter le virus et de l’extension des allocations chômage », avait souligné vendredi Lael Brainard, l’une des gouverneurs de la Fed, la banque centrale américaine.

Et le retour tant espéré à une situation plus normale pourrait être contrarié par la reprise de l’épidémie à cause du variant Delta.

Les autorités pourraient être contraintes de prendre de nouvelles mesures de restriction de l’activité. Certaines entreprises ont d’ores et déjà annoncé que leurs employés auraient l’obligation d’être vaccinés, et à New York, clients et salariés devront avoir reçu au moins une dose pour accéder aux salles de restaurants, de sport ou de spectacle.

La question de la réouverture des écoles pourrait aussi se poser. Une deuxième rentrée des classes virtuelle ralentirait encore le retour à l’emploi de nombreuses femmes.

Le nombre de nouveaux inscrits au chômage a évolué en dents de scie tout au long du mois de juillet, et 13,2 millions de personnes touchaient encore le chômage début juillet, selon les données les plus récentes disponibles.