(Ottawa) Le directeur parlementaire du budget déplore le manque de précisions du gouvernement libéral dans son plan de relance économique de 100 milliards à la sortie de la pandémie.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a présenté le mois dernier ce que les libéraux ont décrit comme un plan pour aider le pays à se relever de la pandémie, en ouvrant les vannes des dépenses au cours des trois prochaines années afin de construire une économie plus verte et plus inclusive.

Le directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux, se dit toutefois préoccupé par le manque de détails de ce plan. « Pour un montant de cette ampleur sur trois ans, je n’ai jamais vu cela », a-t-il admis aux journalistes jeudi matin. « Et je suis surpris […] parce que ça expose le gouvernement et la ministre des Finances à un lobbying important. Le téléphone de la ministre ne doit pas dérougir. »

Le gouvernement a déjà expliqué qu’il ne pouvait pas fournir plus de détails maintenant, car l’argent ne commencera à être déployé qu’après que la pandémie sera maîtrisée et que l’économie sera prête à de nouveaux investissements pour stimuler les emplois et la croissance.

« Compte tenu de l’incertitude du virus et de l’éventuelle reprise économique, il est prématuré pour quiconque de prévoir exactement comment la reprise se déroulera, ou à quel moment ces dépenses devront être réduites », a indiqué dans un courriel la porte-parole de la ministre Freeland, Katherine Cuplinskas.

Pourtant, le directeur parlementaire du budget laisse entendre que si le plan de dépenses des libéraux vise à aider l’économie à revenir aux niveaux précédant la pandémie, il risque de rater sa cible.

Le gouvernement a déclaré que le robinet resterait ouvert jusqu’à ce que plusieurs voyants liés au marché du travail soient au vert. Il s’agit de l’amélioration de l’emploi, du taux de chômage et du nombre total d’heures travaillées, bien que les libéraux n’aient pas révélé d’objectifs précis pour chacun de ces indicateurs.

M. Giroux prédit que chacun de ces indicateurs retrouvera ses niveaux d’antan d’ici 18 mois, ce qui suggérerait que l’ampleur et le calendrier des mesures de stimulation budgétaire planifiées « pourraient être mal ajustés ». En d’autres termes : ce serait « trop, et trop tard », a-t-il dit. Il faudrait plutôt dépenser moins, mais plus rapidement.

Changements structurels

Il ajoute toutefois que si le but des dépenses « est d’apporter des changements structurels à l’économie, c’est une autre histoire ». Les libéraux ont indiqué qu’ils prévoyaient de secouer certains secteurs de l’économie canadienne, en adoptant notamment des mesures pour aider à lutter contre le changement climatique, relancer une industrie pharmaceutique et biomédicale pour fabriquer des vaccins et des médicaments, et mettre en place un système national de garderies.

Le DPB a également soulevé des questions sur les plans à long terme des libéraux pour faire face au gel des cotisations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de 2022 — un gel annoncé pendant la pandémie. Or, selon M. Giroux, ce gel laissera le gouvernement avec un déficit de 52 milliards dans le Compte des opérations de l’assurance-emploi d’ici la fin de 2024.

Le DPB s’inquiète aussi des projets visant à augmenter de plus de 50 % le montant que la ministre des Finances peut emprunter au nom du gouvernement, y compris pour les 100 milliards de dépenses de stimulation planifiées, mais non affectées et non déterminées.

Mme Freeland a défendu ce plan lors d’une réunion du Comité des finances des Communes, plus tôt cette semaine, le décrivant comme une « mesure prudente » afin de s’assurer que le gouvernement aura la flexibilité nécessaire pour répondre à la pandémie. Mais elle a ajouté que le gouvernement n’avait pas l’intention d’emprunter.

Le porte-parole conservateur en matière de finances, Pierre Poilievre, a répondu à Mme Freeland que si les libéraux n’avaient pas besoin de cet argent, il n’était pas nécessaire de rehausser la limite d’emprunt.