(Ottawa) Le gouvernement Trudeau a bon espoir de convaincre la nouvelle administration de Joe Biden de ne pas torpiller la construction de l’oléoduc Keystone XL, malgré la promesse formelle du président désigné, faite durant la campagne présidentielle, d’annuler le permis donnant le feu vert à ce projet crucial pour l’économie de l’Alberta.

Alors que le président désigné commence à nommer certains membres de son cabinet en prévision de son inauguration le 20 janvier, l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, a soutenu que les jeux étaient loin d’être faits dans ce dossier, qui pourrait être l’une de rares pommes de discorde entre Ottawa et Washington une fois que Joe Biden sera bien installé à la Maison-Blanche.

Entre autres choses, le Canada entend plaider que le projet qui est en voie d’être construit est tout à fait différent que celui que l’administration Obama avait rejeté en 2015, a indiqué Mme Hillman durant un entretien par visioconférence devant les membres du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).

Dans ses échanges, le gouvernement canadien entend également mettre en relief l’innovation de l’industrie pétrolière pour réduire son empreinte environnementale, a aussi affirmé Mme Hillman de l’ambassade du Canada à Washington.

« Nous allons communiquer aux Américains que notre travail d’innovation en matière environnementale dans le secteur énergétique se déroule d’une façon très importante au Canada et en Alberta. Beaucoup a été accompli à travers le pays pour réduire l’empreinte environnementale », a indiqué l’ambassadrice.

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Kirsten Hillman, ambassadrice du Canada aux États-Unis

« Et plus spécifiquement, le projet Keystone XL, ce n’est pas le même projet qu’il était [au départ]. Il a subi des changements importants depuis la dernière fois que M. Biden et son équipe l’ont regardé. Alors, nous allons expliquer ce fait. Nous allons leur démontrer les innovations qui ont été faites », a ajouté Mme Hillman, qui répondait aux questions de l’animateur de la rencontre, le correspondant de La Presse à New York, Richard Hétu.

M. Biden a promis en mai d’annuler le permis présidentiel accordé par Donald Trump en 2017 et qui autorise la construction du pipeline Keystone XL sur le territoire américain. Ce projet, attendu depuis 12 ans par l’Alberta et l’industrie pétrolière canadienne, doit permettre de transporter annuellement 300 millions de barils de pétrole de l’Alberta jusqu’au Texas.

Le président désigné entend faire de la lutte contre les changements climatiques l’une des priorités de son mandat. Sous son administration, les États-Unis vont réintégrer l’accord de Paris sur les changements climatiques. Mardi, il a nommé l’ancien secrétaire d’État John Kerry au poste d’émissaire spécial sur le climat.

De son côté, le gouvernement Trudeau continue de soutenir le projet de l’entreprise TC Energy, et il s’est engagé à le défendre auprès de la nouvelle administration.

« Nous allons faire valoir aux Américains que dans cette transition vers une économie à faible émission de carbone, nous allons continuer de travailler avec eux sur toutes les sources d’énergie, l’hydroélectricité bien sûr, le nucléaire, le solaire, etc. Alors ce projet [Keystone] n’est qu’une partie des relations qui sont très grandes et productives. C’est de cette manière que nous allons aborder cette question avec l’administration Biden », a souligné Mme Hillman.

Durant l’entretien, elle a tenu à rappeler que les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis équivalent à 2 milliards de dollars de biens et de services par jour. « C’est la relation économique bilatérale la plus importante du monde. »

Elle a dit juger normal que surgissent de temps en temps des difficultés entre les deux pays. Elle ne s’inquiète pas outre mesure des velléités protectionnistes de la prochaine administration. Le Canada a su tirer son épingle du jeu durant les difficiles négociations avec le président Donald Trump pour moderniser l’ALENA.

« Le plus important est de souligner les faits qui démontrent que pour les Américains, garder un commerce international libre et équitable entre nos deux pays, c’est la meilleure façon de répondre aux préoccupations économiques qui donnent lieu à cet instinct protectionniste. Cela a marché dans les négociations de l’ALENA et je suis certaine que ça va marcher encore une fois. Mais ça va prendre du travail. »

Mais elle s’attend à ce que les relations soient plus cordiales entre les deux pays à compter de l’an prochain. « Les relations personnelles, ça compte. C’est important. Ce n’est pas la seule chose qui compte, mais quand il y a des relations personnelles et un respect entre les dirigeants ou les membres de l’administration, les ministres et d’autres interlocuteurs, ça aide quand on a des conversations difficiles. »