(Ottawa) La Banque du Canada aurait probablement abaissé son taux directeur même si la chute des cours pétroliers avait été le seul choc subi par l’économie canadienne, a soutenu jeudi son gouverneur, Stephen Poloz.

Le taux aurait même pu atteindre son niveau actuel de 0,25 % annoncé à cause de la pandémie de COVID-19, a ajouté M. Poloz devant un comité parlementaire.

Les prix du pétrole ont dégringolé de moitié sur les marchés internationaux depuis le début de l’année. Le choc a été encore plus dur pour l’Alberta puisque le prix de référence du Western Canadian Select a chuté d’environ 90 % depuis janvier.

Mais c’est la pandémie actuelle qui a poussé la banque centrale à baisser son taux cible de 1,75 % à 0,25 %. Selon M. Poloz, ce taux a été diminué aussi bas que possible pour lutter contre les impacts économiques de la COVID-19.

« Sur la seule base de la baisse des prix des matières premières, je dirais que nous aurions réduit les taux d’intérêt d’au moins 100 points de base, comme ce que nous avons fait en 2015 », a-t-il déclaré lors de sa dernière comparution devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes avant de quitter son poste plus tard cette année.

« Peut-être que nous aurions fini par baisser par 150 points de base si [la chute des cours pétroliers] avait été le seul choc auquel nous étions confrontés. C’est un véritable choc pour l’économie. »

Mais ce n’est pas le cas.

M. Poloz a dit le recul économique provoqué par la pandémie de COVID-19 ne ressemble à rien à ce que le pays a été confronté par le passé.

Environ six millions de personnes ont demandé une aide fédérale d’urgence depuis la mi-mars. Selon une estimation préliminaire de Statistique Canada, l’économie s’est contractée de 9 % le mois dernier, ce qui constituerait la pire baisse mensuelle jamais enregistrée.

Mercredi, la banque centrale a annoncé son intention de commencer à acheter des obligations provinciales et d’entreprises sur le marché secondaire afin de réduire le risque de blocage de ces marchés. Ces mesures doivent injecter jusqu’à 60 milliards dans l’économie et dureront, provisoirement, pendant un an.

La banque augmente également la quantité de bons du Trésor fédéral qu’elle est prête à acheter, au-delà d’un achat de 5 milliards par semaine, accordant en fait davantage de prêts à faible taux d’intérêt au gouvernement.

Le gouvernement fédéral a augmenté ses dépenses de plus de 105 milliards, ce qui était nécessaire pour couvrir l’aide budgétaire. Selon M. Poloz, celle-ci essentielle pour surmonter ce ralentissement.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, devrait témoigner devant le comité après la comparution de M. Poloz.

La banque centrale s’attend à ce que l’activité économique puisse commencer à reprendre d’ici l’été, et qu’une reprise sera aussi forte que la baisse observée ces dernières semaines, a déclaré Poloz.

Cependant, plus il faudra de temps pour que l’activité économique reprenne, plus les entreprises fermeront définitivement et plus les périodes de chômage seront longues dans la recherche de nouveaux emplois.

Jeudi matin, le gouvernement a annoncé l’élargissement d’un programme de prêts aux petites et moyennes entreprises, et a promis un nouveau soutien aux entreprises ayant des difficultés à payer leur loyer.

Le Compte canadien d’urgence pour les entreprises accordera désormais jusqu’à 40 000 $ de prêts garantis par le gouvernement aux entreprises dont la masse salariale a atteint l’an dernier entre 20 000 $ et 1,5 million. Elle offrait auparavant des prêts aux entreprises avec une gamme de salaires plus restreinte, entre 50 000 $ et 1 million de dollars.