Le plus long marché boursier haussier de l’histoire a pris fin mercredi alors que la Bourse de Toronto et l’indice Dow Jones de la Bourse de New York sont officiellement tombés en territoire baissier. Couplée à la mise en place de sévères mesures de confinement pour empêcher la propagation de la COVID-19 partout dans le monde, la réaction des marchés boursiers pourrait être annonciatrice d’une récession.

En cumulant tous les deux 20 % de recul depuis l’atteinte – il y a tout juste trois semaines – de leur sommet de tous les temps, l’indice TSX de la Bourse de Toronto et le Dow Jones viennent d’entrer dans un nouvel environnement baissier, ou bear market, un moment que plusieurs appréhendaient depuis déjà un moment.

Même si, en 11 ans, les marchés boursiers nord-américains ont enregistré cinq fois des reculs de l’ordre de 10 %, ils ont toujours été en mesure de récupérer leurs pertes et de reprendre leur course ascendante.

Mais là, on vient de franchir un autre cap. Pour la septième séance en l’espace de trois semaines, l’indice Dow Jones a enregistré des pertes de plus de 1000 points durant la séance de mercredi. La chute brutale de 18 % de l’action de Boeing a fortement contribué à la perte de 1464 points du Dow Jones, ou 5,8 % de sa valeur.

Le TSX, pour sa part, a reculé tout au long de la journée pour terminer en recul de 688 points, soit une perte de 4,6 %.

Les indices S&P 500 et NASDAQ se sont retrouvés eux aussi en situation de bear market en cours de séance, mais ils ont réussi à terminer la séance tout juste sous le seuil fatidique des pertes cumulées de 20 %. Ils pourraient atteindre cette marque dès aujourd’hui. Hier soir, les investisseurs ne se sont pas montré rassurés par les mesures annoncées par le président Trump : en fin de soirée, les contrats à terme pointaient vers une baisse de 4 % à l’ouverture à Wall Street jeudi, tandis que les Bourses de Tokyo et Hong Kong reculaient déjà de 4 %.

Depuis 1955, les différents marchés baissiers qui ont pris forme au Canada ont duré en moyenne une dizaine de mois et se sont soldés par des pertes moyennes de l’ordre de 30 %.

Les marchés haussiers – si on exclut celui qui vient de prendre fin et qui a duré plus de 130 mois – ont eu une durée de vie moyenne de 54 mois et généré des gains moyens de 129 %, selon les statistiques colligées par Placements Mackenzie.

Seuil psychologique défoncé

De nombreux économistes n’attribuent plus aujourd’hui de vertus prédictives au comportement des marchés boursiers. On les considère de moins en moins comme des indicateurs avancés capables de nous signaler la direction que prendra l’activité économique dans les prochains mois.

Sauf que l’avènement du présent marché baissier pourrait très bien s’avérer le signal fort et clair qu’un ralentissement économique en Amérique du Nord est bel et bien en train de prendre forme.

La crise du coronavirus semble prendre une telle ampleur que l’on peut difficilement penser que ses effets sur l’activité économique seront limités, alors que le nombre et la sévérité des mesures de confinement qui sont décrétées sont en escalade en Amérique du Nord, pourtant encore peu touchée par la propagation du détestable virus.

Demander à ses employés de bureau de travailler de la maison, c’est faisable et même souhaitable lorsque les risques de contamination constituent une menace bien réelle.

Mais lorsqu’on en arrivera à exiger la fermeture partielle ou entière d’usines pour enrayer la potentialité d’épidémie, le ralentissement économique occasionné pourra vitement se transformer en récession.

Aux États-Unis, on commence à s’inquiéter des impacts de la crise du coronavirus tant sur l’offre que sur la demande. Si les usines ferment, les produits vont venir à manquer et si les consommateurs cessent de voyager et d’aller au restaurant, des commerces vont fermer. Dans les deux cas, on nourrit l’éventualité d’une récession.

PHOTO MARK LENNIHAN, ASSOCIATED PRESS

La Bourse new-yorkaise a connu une nouvelle dégringolade mercredi, ce qui a mis fin à la plus longue période sans crise majeure à Wall Street, qui durait depuis plus d’une décennie.

Beaucoup de PDG québécois s’inquiètent aussi de l’état de panique que génère la crise de la COVID-19. Selon Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, plusieurs d’entre eux lui ont fait part de leur décision de reporter des investissements prévus, parce que le climat actuel ne se prête pas aux projets d’expansion.

Un PDG qui vient tout juste de réaliser un séjour dans une région où on a recensé plusieurs cas de personnes contaminées au coronavirus m’a confié mercredi qu’il préférait ne pas discuter de ce voyage d’affaires parce que sa seule évocation risquerait de créer de la panique dans son usine québécoise.

« Je veux que mes gens rentrent au travail demain… Écoutez, jamais je n’ai senti d’état de crise dans mes déplacements. Mais ce n’est que de ça que l’on parle dans les médias. On est en train de créer une crise dans la tête des gens », déplore ce gestionnaire.

D’ici à ce que la crise de la COVID-19 s’estompe, il sera intéressant et instructif de suivre l’évolution des marchés où la volatilité sera au rendez-vous pour un bon bout de temps encore.