Décidément, le lithium coûte cher aux contribuables québécois. Après les difficultés de Nemaska Lithium, dans laquelle Québec a investi 130 millions, North American Lithium, de La Corne en Abitibi, a obtenu la protection du tribunal en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

La société minière doit 99 millions au gouvernement du Québec, sans compter les intérêts. L’État est aussi actionnaire de la société endettée à hauteur de 4,5 millions.

Selon les documents de cour, la société appartenant majoritairement à des intérêts chinois a des dettes de 210 millions approximativement. Le tribunal a accordé la protection le 28 mai 2019.

Dans les documents de cour, on explique les déboires de North American Lithium par le bas prix du carbonate de lithium, qui a chuté de 60 % depuis juin 2018. Le spodumène, qui sert à la fabrication du carbonate de lithium, se vendaient en 2018 à un prix de 755 $ US la tonne. À ce prix, North American était au point mort. Or, le prix du spodumène est descendu à 470 $ US la tonne en 2019.

La mine de La Corne à 38 km au sud-est d’Amos a d’ailleurs cessé ses activités d’extraction le 20 février dernier pour cette raison. Environ 200 personnes travaillaient à l’exploitation de la mine. L’effectif de la société s’établit depuis à 127 personnes. Il faut s’attendre à d’autres mises à pied dans les prochains jours.

La société soutient qu’elle a assez d’argent pour tenir le coup jusqu’en août en minimisant ses dépenses.

North American Lithium (NAL) appartient à 52 % à Jien International, à 43 % à Contemporary Amperex Technology Canada et à 5 % à Ressources Québec, filiale d’Investissement Québec. Ses deux principaux clients sont Contemporary et Transmine Holding. Les premières ventes ont eu lieu en décembre 2017.

Au téléphone, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a expliqué que le gouvernement avait de bonnes garanties sur une portion de 40 millions de l’emprunt total de quelque 100 millions. 

Il a réitéré l’appui du gouvernement à la filière lithium au Québec, stratégique, d’après le ministre, pour le processus d’électrification des transports. 

Dans le cas précis de NAL, M. Fitzgibbon explique que les deux actionnaires chinois ne s’entendent pas sur les suites à donner à leur investissement. Le recours à la loi sur les arrangements avec les créanciers a été le moyen retenu pour dénouer cette impasse, selon lui. Québec est prêt à remettre de l’argent dans NAL au besoin, mais avec les bons partenaires, a-t-il répété. 

Nos appels auprès de la société minière sont restés sans suite. Il a été impossible de parler à Benoit Fontaine, responsable du dossier pour l’administrateur Raymond Chabot. 

De la mine est extrait du spodumène, qui est ensuite concentré pour être transformé en carbonate de lithium. Le lithium sert à la confection de batteries, source d’énergie pour les appareils électroniques. La production des batteries se concentre en Chine.

La mine de La Corne n’en est pas à ses premiers déboires, souligne le maire de la municipalité de moins de 1000 âmes, dans un entretien téléphonique. Le quart (environ 300 000 $) du budget de sa municipalité dépend de la mine.

On n’est pas surpris. Ça fait deux fois que ça arrive. On voit venir les coups. Ils avaient arrêté les opérations. Ils avaient du retard dans le paiement de leurs fournisseurs. C’est la suite des choses.

Éric Comeau, maire de La Corne

L’entreprise a eu une première vie sous le nom de Québec Lithium. Elle a connu des problèmes financiers. Ses actifs ont été rachetés en juin 2016 par ce qui allait devenir North American Lithium.

Dette environnementale de 24 millions

La société compte 225 fournisseurs. Le principal étant GC entrepreneur minier, de l’Abitibi, qui exploitait la mine au nom de North American. En mars 2019, CG a réclamé 10 millions à son client pour services impayés.

Cette procédure a été l’élément déclencheur de la requête de la minière visant à se mettre à l’abri de ses créanciers.

Plus inquiétant encore, l’entreprise n’a mis aucune somme de côté pour assurer la restauration du site à sa fermeture, en contravention à la Loi sur les mines. En mars dernier, le ministère des Ressources naturelles a mis en demeure la société de corriger la situation, au risque de perdre son bail minier. La dette environnementale s’élève à près de 24 millions.

La protection obtenue du tribunal suspend les procédures entreprises contre North American Lithium.