(OTTAWA) Les travailleurs de l’industrie de l’aluminium ne décolèrent pas : ils exigent des modifications à la dernière version de l’ALENA 2.0 afin de protéger à long terme leur secteur d’activité. Mettant de côté la partisanerie, les trois élus du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont aussi exhorté le gouvernement Trudeau à ne pas sacrifier « le poumon économique » de leur région.

La colère est telle qu’une vaste mobilisation régionale s’organise la semaine prochaine au Saguenay. Après le Bloc québécois, qui a fait savoir qu’il entend s’opposer à la ratification du pacte commerciale avec les États-Unis et le Mexique, voilà que le député conservateur de Chicoutimi-Le Fjord, Richard Martel, évoque à son tour cette possibilité qui, pour l’heure, n’engagerait que lui-même.

« Le secteur de l’aluminium n’a pas été respecté quand on regarde ce qui a été fait pour l’acier. Il va falloir trouver des solutions pour avoir plus. Il va essayer de forcer le gouvernement pour en avoir plus d’exportation, plus de protection de marché. Ce sont des choses comme ça que l’on va essayer d’avoir », a affirmé M. Martel.

« Les travailleurs, c’est extrêmement important. Chez nous, c’est 10 000 emplois directs et indirects. Et c’est pour cela aujourd’hui que l’on supporte les travailleurs », a-t-il ajouté.

M. Martel était présent à l’invitation du Bloc québécois qui a convoqué les médias ce matin pour faire entendre le président du Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma, Sylvain Maltais. Les députés bloquistes de la région, Mario Simard, dans Jonquière, et Alexis Brunelle-Duceppe, dans Lac-Saint-Jean, étaient aussi présents.

Devant les journalistes, M. Simard a affirmé que le gouvernement Trudeau n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour colmater la brèche existante qui permet au Mexique d’acheter son aluminium en Chine.

« Demandez-le à M. Trudeau. Pourquoi on protège l’acier et on ne protège pas l’aluminium ? Quand je vois que 90 % de l’aluminium (canadienne) est produit chez nous, et quand je vois que le reste de l’acier est produit en Ontario et obtient une protection, tu ne peux conclure autrement que le sacrifié, c’est le Québec », a dit M. Simard.

Depuis la signature de l’entente amendée, mardi, à Mexico, le gouvernement Trudeau se défend d’avoir laissé tomber cette industrie. Il évoque plutôt l’ajout d’une
garantie que 70 % de l’aluminium utilisé dans la construction automobile – un secteur en plein essor pour l’industrie du métal gris – devra provenir du continent nord-américain. Cette clause n’existait pas dans l’ALENA qui a été conclu en 1993.

Or, si l’Association de l’aluminium du Canada s’en réjouissait lors de son ajout dans la nouvelle mouture de l’accord, en novembre 2018, elle s’est depuis ravisée, se disant déçue du résultat des négociations. C’est que dans la définition actuelle contenue dans l’entente, rien n’empêche que des pièces destinées à l’industrie automobile soient fabriquées avec du métal primaire ne provenant pas de l’Amérique du Nord. 

Pour l’industrie de l’aluminium, le Canada a visiblement raté une occasion en or de resserrer les règles d’origine. Le Mexique, qui ne produit pas une seule tonne de métal gris, devient ainsi la « cour arrière de la Chine » qui peut disposer des surplus de son métal.

Malgré cet échec, l’Association de l’aluminium du Canada ne réclame pas, loin de là, que l’on déchire et le nouveau pacte commercial et prône plutôt sa ratification rapide.

Le Syndicat des travailleurs de l’aluminium demande au contraire que l’entente ne soit pas ratifiée tant et aussi longtemps qu’elle ne sera pas modifiée. « Pour l’instant, ce que l’on demande, il faut qu’elle soit revue, il faut que le gouvernement mette son pied à terre et qu’il vienne nous donner un coup de main, qu’il nous protège », a lancé Sylvain Maltais.

Le nouvel ALENA pourrait être ratifié par le Parlement canadien quelque part au début de l’année 2020. Les travaux parlementaires seront ajournés vendredi pour reprendre le 27 janvier prochain après le congé des Fêtes.