(Ottawa) Le gouvernement fédéral affirme que l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain générera 500 millions supplémentaires en impôt sur les entreprises — des recettes fiscales qui doivent être redirigées vers la lutte aux changements climatiques —, mais les libéraux refusent d’expliquer comment ils en sont arrivés à cette estimation.

Ce chiffre avait été cité par le gouvernement de Justin Trudeau au moment de la deuxième approbation du projet en juin dernier. Le montant de 500 millions figurait également dans la plateforme électorale des libéraux pour montrer comment ils comptent financer leurs diverses promesses.

En 2018, Ottawa a fait l’acquisition de l’oléoduc Trans Mountain auprès de Kinder Morgan Canada pour la somme de 4,5 milliards. L’entreprise et ses actionnaires avaient été refroidis par l’opposition politique au projet d’agrandissement, menaçant de l’embourber dans des délais. Le gouvernement a acheté l’oléoduc existant afin de pouvoir mener le projet à terme, dans l’espoir de le revendre au secteur privé une fois l’expansion terminée.

Face aux environnementalistes leur reprochant de défendre un tel projet tout en disant reconnaître la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les libéraux ont promis que toutes les retombées, y compris les recettes en impôt sur les entreprises, permettraient de financer des mesures de lutte contre le réchauffement planétaire. Ces mesures prendraient notamment la forme de plantation d’arbres et de projets de technologies propres.

Matthew Barnes, le porte-parole du ministre des Finances, a indiqué que les 500 millions représentent une estimation gouvernementale, sans pour autant répondre aux questions sur les origines de ce chiffre. Les recettes proviendraient de l’impôt sur les entreprises après la réalisation et l’exploitation réussies de TMX, s’est-on contenté de préciser.

L’économiste Robyn Allan affirme qu’elle essaie depuis plusieurs mois d’obtenir des explications sur ce calcul, en vain. Mme Allan avance que le gouvernement brandit ce chiffre pour générer un soutien du public envers le projet d’oléoduc et qu’il a donc la responsabilité d’en expliquer la source.

« S’ils sont incapables de dire comment l’estimation a été réalisée, il faut se demander si ça a la moindre substance », soulève l’économiste établie en Colombie-Britannique.

Elle exhorte également les autorités fédérales à dévoiler les coûts de réalisation de l’expansion. La plus récente estimation était de 7,4 milliards, mais ce chiffre date déjà de plusieurs années et n’a pas été mis à jour depuis l’acquisition de Trans Mounatin par le gouvernement.

L’oléoduc existant relie Edmonton au terminal maritime de Burnaby, en Colombie-Britannique. Il transporte sur une base quotidienne environ 300 000 barils de pétrole brut et de produits dérivés. Le projet d’expansion consiste à construire un deuxième oléoduc, pratiquement parallèle au premier, pour tripler la capacité de Trans Mountain et acheminer du bitume dilué vers l’océan Pacifique à des fins d’exportation sur des pétroliers.

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Le terminal maritime de Burnaby

Le gouvernement espère que s’il parvient à acheminer davantage de pétrole vers les ports côtiers, de nouveaux acheteurs se manifesteront en Asie, ce qui mitigerait la dépendance du Canada envers la demande américaine et augmenterait les prix que peut demander l’industrie d’ici.

C’est ainsi que le premier ministre Justin Trudeau souhaite continuer à tirer parti des ressources naturelles canadiennes tout en luttant contre les changements climatiques.

L’Alberta s’indigne que le pipeline n’ait pas encore été construit et porte notamment le blâme sur les réglementations environnementales fédérales. Les militants écologistes décrient pour leur part que le projet d’oléoduc va à l’encontre des réductions promises par le Canada en matière d’émissions de gaz à effet de serre.