Le fondateur et ex-PDG d'Amaya, David Baazov, s'est présenté hier à l'assemblée annuelle des actionnaires de l'entreprise de Pointe-Claire, lui qui détient près de 20 % des actions de l'exploitant du site PokerStars. Il a pris la peine de saluer les journalistes, mais a gentiment refusé de répondre aux questions.

« Désolé, pas aujourd'hui. Je suis simplement ici en tant qu'actionnaire », a lancé celui qui vient de quitter son siège au conseil dans la foulée des accusations de délit d'initié déposées contre lui par l'Autorité des marchés financiers.

À cet effet, un analyste se demande si le conseil d'administration d'Amaya utilisera la clause qui lui permettrait d'évincer David Baazov de l'actionnariat.

La constitution d'Amaya stipule que « l'entreprise pourrait juger nécessaire de mettre fin à sa relation avec un actionnaire important qui ne remplit pas les conditions » permettant l'obtention d'une licence ou qui n'est pas déclaré conforme par une autorité de réglementation des jeux, ce qui peut comprendre le retrait de sa participation dans l'entreprise. Amaya a ainsi le droit de racheter des actions ordinaires détenues par une personne jugée inacceptable.

« Je suis curieux de voir si le conseil tentera d'appliquer l'article au sujet d'une personne inacceptable puisque l'enquête de l'AMF pourrait empêcher Amaya de pénétrer certains marchés comme celui de la Californie », souligne Joseph MacKay, de la firme Clarus Securities, dans une note de recherche envoyée récemment à ses clients.

« Si la compagnie veut poursuivre son développement, je pense qu'elle n'a pas le choix », commente Claude Mathieu, professeur de finance et responsable du programme de lutte contre la criminalité financière à l'Université de Sherbrooke. « Ça serait une bonne décision de le racheter et de montrer qu'on veut tout faire pour se dissocier de lui. »

Cette opération peut toutefois avoir des effets pervers, prévient Michel Magnan, titulaire de la Chaire de gouvernance d'entreprise de l'Université Concordia. « Les rachats d'actions ciblés, car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'ont généralement pas bonne presse, car ils privent l'entreprise de liquidités au profit d'un seul actionnaire et l'évaluation des actions rachetées est toujours une affaire de jugement et de négociation. »

Au cours boursier actuel, les 24,5 millions d'actions de David Baazov valent près de 450 millions de dollars. Il est le plus important actionnaire individuel d'Amaya.

LES JOURNALISTES INTERDITS D'ACCÈS

La direction de l'entreprise n'a pas répondu aux messages laissés par La Presse hier et les membres du conseil d'administration n'ont pu être interrogés en marge de l'assemblée des actionnaires. La direction avait interdit l'accès à l'assemblée aux journalistes hier, une chose plutôt rare pour une société inscrite en Bourse.

Amaya a révélé plus tôt cette année que David Baazov avait l'intention de présenter une proposition de rachat au prix de 21 $ par action et qu'une entente de confidentialité a même été conclue avec lui.

Les chances sont minces de voir David Baazov présenter un jour une offre formelle, selon l'analyste Joseph Mackay. Son collègue Maher Yaghi, chez Desjardins, croit de son côté que David Baazov pourrait abandonner l'idée de racheter Amaya étant donné la situation dans laquelle il se trouve.

« La controverse n'aide pas David Baazov à obtenir du financement institutionnel », a quant à lui signalé l'actionnaire activiste Jason Ader, PDG de la firme new-yorkaise SpringOwl. Rencontré en marge de l'assemblée annuelle, Jason Ader estime par ailleurs que la décision de racheter ou non la participation de David Baazov revient au conseil d'administration. « Ultimement, une personne est innocente tant qu'elle n'est pas déclarée coupable. »

L'assemblée des actionnaires d'Amaya s'est déroulée de façon expéditive hier au centre-ville de Montréal. Quelques dizaines de personnes seulement étaient sur place pour participer à la rencontre qui s'est bouclée en une trentaine de minutes.