Le CRTC a tranché : il n'a pas à approuver le mandat octroyé par Pierre Karl Péladeau pour gérer ses actions de Québecor depuis qu'il est chef du Parti québécois. Comme Pierre Karl Péladeau reste l'actionnaire de contrôle de Québecor malgré ce mandat, il n'y a pas eu de changement de « contrôle effectif » chez Québecor et l'organisme fédéral n'a pas à approuver le mandat.

En vertu de la réglementation fédérale, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) doit approuver toute modification du « contrôle effectif » d'un détenteur de licence de chaîne de télé. Dans sa décision rendue par lettre administrative à la fin du mois de décembre (que La Presse a obtenue), le CRTC a conclu que la mise en place du mandat octroyé par M. Péladeau à la société Placements Saint-Jérôme pour gérer les actions de Québecor « ne nécessite pas l'approbation préalable du Conseil ». « Par conséquent, il a été déterminé que le Conseil ne procédera pas au traitement de la demande », écrit le CRTC, qui considère la demande « comme étant fermée ». L'organisme fédéral n'avait pas à se pencher sur la définition d'un « mandat sans droit de regard ».

Selon la réglementation fédérale, le titulaire d'une licence télé « doit obtenir l'approbation préalable du Conseil à l'égard de toute mesure, entente ou opération qui aurait pour conséquence directe ou indirecte de modifier le contrôle effectif de son entreprise ». À la différence d'une fiducie, un mandat ne change pas la propriété des actions - ce qui explique pourquoi le CRTC a jugé qu'il n'avait pas à autoriser le mandat de M. Péladeau en vertu de la réglementation fédérale.

Québecor étant propriétaire des licences de télé, c'est l'entreprise (Québecor Média) qui a fait la demande officielle au CRTC l'automne dernier. Québecor et M. Péladeau n'ont pas commenté hier la décision du CRTC rendue par lettre administrative.

UNE EXIGENCE DU CODE D'ÉTHIQUE À QUÉBEC

Le mandat a été octroyé par M. Péladeau afin de respecter le code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, qui prévoit qu'un membre du gouvernement doit mettre ses intérêts financiers dans une « fiducie ou un mandat sans droit de regard » (comme député et chef de l'opposition, M. Péladeau n'est pas soumis en théorie à cette obligation ; il le sera seulement s'il devient premier ministre ou ministre). 

En octobre 2014, durant la campagne à la direction du Parti québécois, M. Péladeau s'est engagé à placer ses avoirs dans une « fiducie » sans droit de regard s'il devenait chef du PQ. Il a été élu chef du PQ en mai dernier. En septembre, il a annoncé son intention de mettre en place un mandat (le code permet une fiducie ou un mandat) pour gérer ses actions de Québecor à Placements Saint-Jérôme, une société administrée par l'avocat James A. Woods, l'ex-président du Mouvement Desjardins Claude Béland et le banquier André P. Brosseau. Il devait obtenir l'approbation du CRTC (pour les licences de chaînes de télé) et d'Industrie Canada (pour les licences de télécoms), en raison de la réglementation fédérale. Le processus d'Industrie Canada est confidentiel (au contraire du processus du CRTC), et Industrie Canada n'était pas en mesure hier de commenter le dossier. 

LA QUESTION DU DROIT DE REGARD

Si la question juridique autour du mandat de M. Péladeau est complètement résolue au CRTC, le débat n'est pas terminé au Québec, où le code d'éthique des élus à l'Assemblée nationale exige un mandat « sans droit de regard » pour les ministres et le premier ministre. Or, le mandat octroyé par M. Péladeau à Placements Saint-Jérôme précise que les actions de Québecor - qui font l'objet du mandat - ne peuvent pas être vendues. 

M. Péladeau estime que son mandat octroyé à Placements Saint-Jérôme est « sans droit de regard ». En commission parlementaire au printemps dernier, l'ancien jurisconsulte de l'Assemblée nationale, MClaude Bisson (ancien juge en chef de la Cour d'appel du Québec), avait indiqué qu'un mandat avec ordre de ne pas vendre les actions n'est pas un mandat sans droit de regard, à son avis. Au final, c'est le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale qui fait une recommandation à l'Assemblée nationale à savoir si un mandat respecte ou non le code d'éthique. Le commissaire à l'éthique ne peut toutefois pas imposer de sanctions - ce pouvoir revient aux membres de l'Assemblée nationale, qui doivent approuver une sanction par un vote aux deux tiers des députés.

Comme organisme fédéral, le CRTC n'avait pas à examiner la définition d'un « mandat sans droit de regard ». Le CRTC devait examiner uniquement la question du « contrôle effectif » de l'entreprise détenant les licences des chaînes de télé, dans ce cas-ci Québecor.