L'économie canadienne a affiché une perte nette de 6400 emplois en juin, les gains de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ayant été effacés par la disparition de 33 000 emplois au Québec, a indiqué vendredi Statistique Canada.

Dans l'ensemble, la création d'emplois à temps plein au pays n'a pas su contrebalancer complètement les pertes d'emplois à temps partiel, mais le taux de chômage est néanmoins resté stable à 6,8%, a précisé l'agence fédérale.

Au Québec, le taux de chômage a avancé de 0,4 point de pourcentage à 8,0%. Les pertes d'emplois de la province étaient entièrement attribuables au travail à temps partiel.

«La variation des données publiées ce matin est surprenante», a affirmé dans une déclaration le ministre québécois de l'Emploi, Sam Hamad.

«Bien que l'évolution de l'emploi au Québec ait augmenté depuis juin 2014, le gouvernement continuera d'apporter une vigilance soutenue aux variations du marché du travail dans chacune des régions», a-t-il ajouté.

Les économistes s'attendaient à ce que l'économie canadienne perde 10 000 emplois et à ce que le taux de chômage grimpe de 0,1 point à 6,9%, selon les prévisions recueillies par Thomson Reuters.

«Ce ne sont jamais de bonnes nouvelles lorsque l'emploi recule dans l'ensemble, mais dans les circonstances, ce rapport est aussi bon que celui que nous aurions pu espérer», a observé l'économiste en chef de la Banque de Montréal, Doug Porter.

Le nombre d'emplois à temps plein a augmenté de 64 800 en juin, mais les pertes d'emplois à temps partiel ont été encore plus nombreuses, à 71 200.

Récession au 1er semestre?

La publication du rapport sur l'emploi survient alors que plusieurs observateurs s'inquiètent de la vigueur de l'économie canadienne. Certains vont même jusqu'à prédire que les données à venir démontreront que l'économie est tombée en récession pendant la première moitié de l'année.

M. Porter a souligné que c'était le troisième mois consécutif que l'emploi à temps plein affichait de solides gains, et que les salaires étaient en hausse de trois pour cent par rapport à l'an dernier.

Le nombre d'heures travaillées en juin était «assez solide», a-t-il poursuivi, avant d'ajouter qu'il s'agissait «habituellement d'une assez bonne règle empirique pour évaluer la performance d'ensemble de l'économie».

«Alors même si les chiffres en manchette ne sont pas terriblement sympathiques, les heures travaillées ont connu une importante hausse au mois de juin.»

Le nombre d'emplois a progressé de 176 000 au cours des 12 derniers mois, ce qui est entièrement attribuable aux emplois à temps plein, tandis que le nombre d'heures travaillées a grimpé de 2,1%.

Le rapport sur la population active de Statistique Canada était la dernière publication de données économiques d'importance avant que la Banque du Canada ne fasse sa prochaine annonce sur les taux d'intérêt et qu'elle ne dévoile son rapport sur la politique monétaire, mercredi. Les observateurs s'entendent pour dire que la banque centrale va réviser à la baisse ses prévisions économiques pour l'année, mais ce qu'elle choisira de faire avec son taux d'intérêt directeur reste plus incertain.

Le Fonds monétaire international (FMI) a réduit cette semaine sa prévision de croissance pour l'économie canadienne en 2015, la faisant passer à 1,5%, comparativement à la prévision de 2,2% qu'il avait émis en avril.

L'économiste Brian DePratto, de la Banque TD, a jugé que les détails du rapport sur l'emploi étaient grandement positifs, mais que cela ne suffirait pas pour changer la vision d'ensemble de la Banque du Canada au sujet de l'économie.

«Ce rapport ne change pas notre opinion voulant que la croissance se soit probablement contractée d'entre 0,5% et 1,0% au deuxième trimestre, ce qui est significativement inférieur aux prévisions avancées en avril par la Banque du Canada», a poursuivi M. DePratto.

«Conséquemment, nous continuons à nous attendre à ce que la Banque (du Canada) réduise vraisemblablement le taux de sa politique monétaire à 0,5% mercredi.»

Selon les données comprises dans le rapport de Statistique Canada, l'emploi dans le secteur public a progressé de 42 200 le mois dernier, tandis que le nombre d'emplois dans le secteur privé a reculé de 26 300.

Le nombre de travailleurs autonomes a diminué de 22 200.

Outre au Québec, le nombre d'emplois a reculé au Nouveau-Brunswick et en Alberta, avec des baisses respectives de 3500 et 5000 emplois. La Colombie-Britannique a affiché un gain net de 15 400 emplois, tandis que l'Ontario en gagnait 14 000 et Terre-Neuve-et-Labrador, 4300.

Le secteur de la production de biens a abandonné 1900 emplois, tandis que celui des services en a effacé 4500.

Pour le deuxième trimestre de l'année, l'économie canadienne a gagné 33 000 emplois. Un total de 143 000 emplois à temps plein ont été créés tandis que 110 000 emplois à temps partiel ont disparu.

«Laissez-faire» dénoncé à Québec

Au Québec, un gain net de 8300 emplois a été observé pour le deuxième trimestre, comparativement une création d'emplois de 29 600 au premier trimestre. Sur l'ensemble des 12 derniers mois, le nombre d'emplois dans la province avancé de 25 800.

Le ministre de l'Emploi, Sam Hamad, s'est dit «surpris» par ces données. «Que l'on pense notamment aux taux d'intérêt qui sont à des niveaux historiquement bas ou encore au dollar canadien dont le niveau favorise la compétitivité de nos entreprises, ces facteurs ont un effet direct sur notre économie et sont avantageux pour le Québec», a-t-il remarqué dans un communiqué.

Les partis d'opposition ont réagi à la publication des données mensuelles. Le porte-parole du Parti québécois, Nicolas Marceau, a rappelé qu'il s'agissait des pires pertes d'emploi en un seul mois depuis 10 ans, soit mai 2005, et que tous les indicateurs n'apportaient «aucun réconfort».

«Le laissez-faire du gouvernement ne vient pas aider, a dit M. Marceau lors d'une entrevue téléphonique. C'est sûr que sans une politique économique vigoureuse et volontariste, on peut observer ce qu'on observe aujourd'hui.»

Il a rappelé la proposition du PQ, de convoquer un sommet avec tous les acteurs économiques pour se concerter sur la relance du Québec.

Pour sa part, le chef caquiste, François Legault, a jugé que les chiffres étaient inquiétants.

«Dans le secteur privé seulement, le Québec a perdu 54 000 emplois, ça, c'est vraiment catastrophique, c'est probablement un record en un mois, a-t-il lors d'un entretien téléphonique. Et quand on compare sur un an ou six mois avec l'Ontario, on n'est pas dans la même «game'.»

Pour sa part, le député de Québec solidaire Amir Khadir a pointé du doigt les «politiques d'austérité» du gouvernement Couillard.

«En période d'austérité, de disette, qu'est-ce qu'on va faire? C'est de retarder l'achat de la maison, retarder l'achat de la voiture, des rénovations, des vacances. (...) Les entreprises, c'est encore pire. Les dirigeants d'entreprises vont reporter des projets d'embauche, d'investissements. La conséquence, c'est quoi? On perd des emplois. C'est un cercle vicieux», a-t-il constaté en entrevue avec La Presse Canadienne.

Taux de chômage par province (mois précédent entre parenthèses):

• Terre-Neuve-et-Labrador 12,3 (13,8)

• Île-du-Prince-Édouard 11,1 (11,0)

• Nouvelle-Écosse 8,0 (8,8)

• Nouveau-Brunswick 10,8 (9,6)

• Québec 8,0 (7,6)

• Ontario 6,5 (6,5)

• Manitoba 5,3 (5,7)

• Saskatchewan 4,7 (4,9)

• Alberta 5,7 (5,8)

• Colombie-Britannique 5,8 (6,1)

Taux de chômage par ville (mois précédent entre parenthèses):

• St-Jean, T.-N.-L. 6,5 (6,4)

• Halifax 6,7 (7,0)

• Moncton 7,9 (7,7)

• Saint-Jean, N.-B. 7,3 (7,4)

• Saguenay 7,4 (7,8)

• Québec 4,0 (4,1)

• Sherbrooke 6,9 (6,6)

• Trois-Rivières 5,9 (5,8)

• Montréal 8,7 (8,3)

• Gatineau 7,7 (7,8)

• Ottawa 6,1 (6,3)

• Toronto 6,9 (7,1)

• Hamilton 5,2 (5,1)

• London, Ont. 5,9 (6,1)

• Windsor, Ont. 8.9 (11,0)

• Winnipeg 6,1 (6,1)

• Regina 4,2 (4,4)

• Saskatoon 5,5 (5,2)

• Calgary 5,9 (5,5)

• Edmonton 5,9 (6,3)

• Vancouver 6,1 (6,2)

• Victoria 6,0 (6,0)