Le secteur des services ne donne pas les résultats escomptés dans le renforcement des assises de l'économie. Ce fut une erreur de le soutenir au détriment du secteur manufacturier, estime Jacques Houle.

«La désindustrialisation n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat de choix regrettables en matière de stratégie économique dont le cadre général s'inspirait du mythe de la société postindustrielle qui émergea au tournant des années 1990.»

Son essai Il était une fois des usines. Essor, déclin et relance de l'industrie québécoise se divise en deux grandes parties, dont le lecteur pourra apprécier différemment la qualité.

La première et sans doute la plus réussie se veut une synthèse récapitulative de la production manufacturière québécoise, depuis le XIXe siècle jusqu'au tournant du millénaire. L'auteur passe en revue le développement de la production alimentaire (beurre, sucre raffiné, farine, etc.), de textile et de vêtement, de bois, de matériel roulant et d'électricité.

Au passage, il rappelle quelques faits oubliés, comme la fabrication d'uniformes pour les soldats du Nord durant la guerre civile américaine ou l'essor des chantiers maritimes pour aider l'Angleterre à briser le blocus napoléonien.

Puis, il décrit à grands traits le déclin de la production industrielle (qui exclut ici l'extraction minière) survenu à compter de la récession de 1982, même s'il affirme à plusieurs endroits dans son essai que l'apogée du secteur manufacturier québécois a coïncidé avec le changement de millénaire et le creux de la valeur du huard face au billet vert.

Dans ce récapitulatif, on mesure surtout combien Montréal a souffert avec la fermeture de plusieurs raffineries, d'ateliers de matériel roulant, de chocolateries et de salaisons.

L'auteur fait aussi état du sort des régions où était établie la Dominion Textile, un géant avec plus de 40 usines dans le monde en 1986 jusqu'à sa fermeture, en 2003. Selon lui, la responsabilité de l'effondrement de l'industrie textile incombe à la fois à l'incurie des gestionnaires des entreprises, à l'entrée en vigueur de l'Accord relatif au textile et au vêtement de l'OMC en 1995 et au laisser-faire des gouvernements qui ont renoncé à tout plan de relance.

La substitution de ces emplois perdus et bien payés par d'autres dans les services laisse sur le carreau les ex-travailleurs en usines qui n'ont pas les compétences scolaires requises pour les occuper, déplore l'auteur.

Dans sa deuxième partie, l'essai se veut une proposition de relance du secteur manufacturier qui s'inspire du modèle allemand de soutien général plutôt que du modèle français, où l'État privilégie certains segments qu'il juge plus porteurs.

«Au coeur de ce modèle, l'on retrouve une culture de coopération qui transcende les clivages sociaux», souligne Houle, qui en appelle à la collaboration syndicale et patronale au nom de la pérennité des usines.

Celle collaboration doit aussi reposer sur une relation soutenue entre les entrepreneurs bâtisseurs, les sociétés publiques (Hydro-Québec) et parapubliques (Caisse de dépôt et placement) de même qu'entre le milieu scolaire et le marché du travail.

L'auteur en appelle au déploiement d'infrastructures porteuses, telle une liaison Québec-Montréal par monorail, comme le propose l'IREQ, une solution qui utiliserait les surplus d'électricité et laisserait moins d'empreintes écologiques qu'une liaison ferroviaire à grande vitesse.

Pour faire éclore de tels projets, il propose la tenue d'états généraux sur la réindustrialisation, de manière à mettre la population dans le coup. Il prévient qu'il ne faudrait pas succomber à la tentation bureaucratique de tout contrôler.

Il suggère aussi de stimuler la montée en gamme de la production manufacturière ainsi que des «mesures protectionnistes différenciées en fonction de critères éthiques, sociaux et écologiques».

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Jacques Houle, Il était une fois des usines. Essor, déclin et relance de l'industrie québécoise, Hurtubise, 137 pages