La Banque du Canada choisit de laisser tomber toute indication sur la prochaine direction de son taux directeur qu'elle reconduit à 1% pour la 25e fois d'affilée. Elle mise aussi sur une expansion plus lente que ce qu'elle prévoyait jusqu'ici.

«Le fait que l'inflation se soit maintenue au-dessous de la cible de façon persistante signifie que des risques à la baisse touchant l'inflation revêtent une importance croissante, indique-t-elle dans son communiqué faisant part de sa décision, publié hier. Toutefois, la Banque doit aussi prendre en compte le risque d'une amplification des déséquilibres déjà prononcés dans le secteur des ménages.»

La Banque estime ainsi que la détente monétaire en place est à la fois considérable et appropriée dans les circonstances.

Depuis plus d'un an maintenant, la Banque édulcorait sa volonté de raffermir les conditions de crédit au fil du temps tout en la réitérant.

Spéculation

L'abandon de son penchant, même timide, pour une hausse éventuelle de son taux est cependant de nature à attiser la spéculation, d'autant plus que le gouverneur Stephen Poloz n'a pas écarté la possibilité d'une baisse, si les risques à la baisse devaient se concrétiser. Par exemple, si les exportations ne se redressaient pas davantage ou si la correction du secteur du logement prenait une tournure brutale.

Il a cependant souligné que les risques à la baisse et à la hausse sont actuellement en équilibre.

Les autorités monétaires estiment malgré tout que l'adoucissement annoncé reflète leur diagnostic sur l'état de l'économie canadienne dont la croissance et l'inflation sont d'une mollesse persistante.

La dernière mouture du Rapport sur la politique monétaire (RPM) réduit son scénario de croissance pour l'année en cours (de 1,8% à 1,6%) et pour 2014 (de 2,7% à 2,3%). Pour 2015, la prévision est à peine majorée d'un dixième à 2,7%.

Sur une base trimestrielle, la croissance prévue est diminuée pour chacun des trimestres d'ici la fin de 2014. Pour les troisième et quatrième de cette année, elle ne voit plus que 1,8% (au lieu de 3,8%) et 2,3% (2,5%). Les premier et deuxième trimestres se sont, en revanche, révélés plus élevés que ce qu'elle avait projeté dans les RPM précédents.

La révision est surtout attribuable à la composition moins favorable au Canada de l'expansion mondiale.

«L'économie américaine est plus faible que ce qui était escompté, admet le gouverneur Poloz. Mais à mesure que les difficultés budgétaires se dissiperont et que le désendettement des ménages sera mené à terme, la croissance devrait s'accélérer en 2014 et en 2015.»

N'empêche. La Banque réduit d'un demi-point à 2,5% sa prévision de croissance de la première économie du monde, l'an prochain.

Cette croissance plus faible freinera les exportations et les investissements des entreprises canadiennes sur lesquels M. Poloz comptait beaucoup encore l'été dernier pour prendre le relais des ménages canadiens qui retrouvent les vertus de l'épargne.

La présente léthargie ralentit aussi les pressions inflationnistes. Ce n'est plus qu'à la fin de 2015 que l'indice des prix à la consommation (IPC) global retrouvera la cible de 2%, soit deux trimestres plus tard que prévu en juillet. La très faible hausse des prix sera persistante durant toute l'année prochaine, ce qui est de mauvais augure pour les finances publiques.

La Banque réduit aussi le potentiel de croissance de l'économie canadienne sous la barre des 2% pour 2013 et 2014.

Cette diminution est attribuable à une faible productivité persistante et à l'arrivée à la retraite des baby-boomers.

Ce n'est qu'à la fin de 2015 que l'économie devrait avoir retrouvé sa vitesse de croisière optimale (sans pressions inflationnistes), soit six mois plus tard que ce qui avait été anticipé en juillet.

Dans cette livraison du RPM, la Banque s'est voulue plus transparente en précisant le degré d'incertitude de ses grandes prévisions. Pour l'IPC global, par exemple, il est de plus ou moins 0,3%.

La prochaine annonce du taux directeur aura lieu le 4 décembre.

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CE QU'ILS EN PENSENT

« L'abandon de la mention faisant référence à une hausse éventuelle des taux et le ton du communiqué indiquent clairement que la période de stabilité des taux directeurs se prolongera assez longtemps. Selon nos projections, les conditions favorables à une première augmentation des taux directeurs canadiens ne pourraient être réunies qu'à compter de la mi-2015. » - Benoit P. Durocher, économiste principal, Desjardins





«Le scénario de base a été ajusté plutôt que d'être relégué aux oubliettes. Une prudence des ménages et une amélioration de la confiance des entreprises devraient mener à une croissance plus vigoureuse et équilibrée à moyen terme. Si tout se passe bien, l'inflation devrait logiquement retrouver le droit chemin vers la cible des 2% et les pourparlers sur la normalisation des taux reviendront.» - Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint, Valeurs mobilières Banque Laurentienne

«La décision de faire disparaître tout biais (si faible soit-il) peut stimuler davantage l'activité dans le marché de l'habitation puisque les ménages et les entreprises vont s'attendre à ce que la faiblesse extraordinaire des taux d'intérêt se prolonge. » - Dawn Desjardins, économiste en chef adjointe, Banque Royale