Les obligations du Trésor américain et du gouvernement canadien perdent petit à petit leur statut de valeur refuge, ce qui présage des coûts d'emprunt plus élevés pour Washington, Ottawa et les provinces canadiennes.

En juin, les investisseurs étrangers ont réduit de 15,4 milliards de dollars la valeur de titres canadiens et de 55,9 milliards celle de titres américains.

Dans les deux cas, ce sont avant tout les dettes de Washington et d'Ottawa qui ont été délaissées, au profit d'actifs un peu plus risqués comme les obligations de sociétés, les actions ou la dette de plusieurs pays européens.

Cette perte d'appétit va compliquer le programme d'emprunts des provinces, surtout de celles qui accusent un retard jusqu'ici. C'est particulièrement le cas de l'Ontario qui a complété tout juste un peu plus du tiers du sien et qui doit trouver encore plus de 20 milliards sur les marchés d'ici le 31 mars.

On peut voir dans le délaissement des titres d'Ottawa et de Washington un regain de confiance dans la croissance américaine et la reprise européenne ou une crainte plus marquée des effets d'un ralentissement prochain de la troisième ronde de détente quantitative (DQ3) par la Réserve fédérale (Fed).

De plus en plus d'experts misent sur le fait que la Fed annonce à la mi-septembre la diminution du rythme de ses achats mensuels d'obligations du Trésor américain (40 milliards) et de titres adossés à des créances hypothécaires (45 milliards).

Lancée en décembre, la DQ3 avait pour objectif d'exercer des pressions à la baisse sur les taux obligataires et hypothécaires à long terme, afin de relancer le crédit.

Le succès ne s'est pas démenti jusqu'à ce que le président de la Fed, Ben S. Bernanke, rappelle, le 22 mai, que la DQ3 n'est pas éternelle. Des deux côtés de la frontière, les taux sur les titres à long terme se sont mis à grimper.

La semaine dernière seulement, le taux des obligations canadiennes venant à échéance en 2023 a augmenté de 24 centièmes. Hier, il a encore légèrement augmenté à environ 2,74%. Le seuil des 3% est atteignable d'ici un an.

Comme les coûts d'emprunt des provinces sont déterminés par les taux des obligations du Canada, il en résulte un service de la dette accru.

La semaine dernière, aucune n'est venue au marché. La semaine précédente, la Nouvelle-Écosse et le Québec ont tous deux emprunté 500 millions. La première y est allée d'un emprunt de 5 ans à taux flottant, tandis que le Québec a opté pour une échéance de 10 ans pour laquelle il a dû consentir un taux de 3,466%. Le 18 juin, le Québec était parvenu à placer une tranche de 500 millions de la même échéance et avait pu obtenir un taux inférieur de 33 centièmes, malgré le fait que l'écart entre le rendement de sa dette et celle d'Ottawa était plus grand d'un point centésimal.

Cela reflète bien la relative détérioration du marché obligataire canadien après plusieurs années de performance exceptionnelle.

Il reste à Québec moins de 3 milliards à emprunter d'ici le 31 mars. À moins, bien sûr, que les rentrées fiscales soient insuffisantes pour atteindre l'équilibre budgétaire. À cette somme, il faut ajouter 1,8 milliard que doit trouver Hydro-Québec, mais qui est exclu du périmètre budgétaire de Québec.

L'Ontario a présenté la semaine dernière une mise à jour budgétaire au 30 juin dans laquelle il garde le cap sur un déficit de 11,7 milliards.

Le budget prévoit aussi un coussin de 1 milliard pour les imprévus. S'il n'est pas utilisé, ce coussin servira à diminuer le déficit. Fait intéressant, la province a précisé que l'incertitude qui plane toujours sur l'économie mondiale représente un risque pour la réalisation de son plan budgétaire.

À n'en pas douter, c'est vrai aussi pour le Québec.