Les discussions entre le premier ministre grec et ses deux alliés gouvernementaux n'ont rien donné jeudi, la crise de l'audiovisuel public évoluant vers une véritable crise de gouvernance au sein de la coalition au pouvoir, dont les trois dirigeants doivent se réunir une nouvelle fois jeudi.

«Il s'agissait d'une discussion très difficile qui va continuer et sera conclue demain (jeudi) soir» a déclaré le dirigeant socialiste Evangélos Vénizélos en sortant de la résidence du premier ministre conservateur Antonis Samaras après trois heures et demie de discussions.

Le dirigeant du petit parti de gauche modérée Dimar, Fotis Kouvelis a qualifié la rencontre tripartite d'épreuve «pénible».

M. Samaras peine à sortir d'une crise qu'il a lui-même créée en fermant unilatéralement, sans l'accord de ses partenaires, le signal de la radio-télévision publique ERT le 11 juin dernier, sans préavis ni discussion, privant le pays de toutes ses chaînes de télévisions et stations de radio publiques ainsi que de nombreuses chaînes étrangères (BBC, TV5, DeutscheWelle, CNN), ce qui a déclenché une tempête mondiale de protestations.

Cette fermeture radicale de l'audiovisuel public, une première dans un pays démocratique, est justifiée par le premier ministre par la nécessité de faire des économies alors que le pays est contraint par ses bailleurs de fonds internationaux de mettre en oeuvre des économies budgétaires drastiques.

Après avoir été condamné lundi soir par le Conseil d'État, la plus haute instance administrative du pays, à rouvrir temporairement les antennes en attendant la constitution d'un nouveau groupe audiovisuel, le premier ministre a cherché à donner des gages à ses partenaires gouvernementaux qui étaient opposés à cette décision martiale.

Pour tenter d'éviter le spectre d'une convocation d'élections s'ils se désolidarisaient de lui, le premier ministre leur a notamment fait miroiter la perspective d'un remaniement ministériel vers la fin juin.

Les participants à la réunion de mercredi soir ont d'ailleurs confirmé à mots couverts que les discussions butaient autant sur des problèmes de gouvernance et de partage des pouvoirs au sein de la coalition que sur le seul conflit de l'audiovisuel.

«Ce n'est pas seulement le problème de l'ERT (l'organisme de radiotélévision public, NDLR), c'est un problème de gestion du gouvernement de coalition à trois partis (...) Nous devons avoir une collaboration qui assure un terrain d'entente entre les trois partis» a dit M. Kouvelis à la sortie de la résidence du premier ministre.

«L'un des problèmes discutés était la façon dont l'organisme d'audiovisuel public va fonctionner, après la décision du Conseil d'État. D'autres questions ont aussi été discutées, questions que le premier ministre avait soulevées il y a deux jours» a dit de manière sibylline, le porte-parole du gouvernement Simos Kedikoglou.

Pendant ces discussions, quelque 2000 personnes selon la police ont manifesté pour la huitième soirée consécutive devant le siège de la radiotélévision publique contre la fermeture des antennes qui prive quelque 2700 personnes de leur emploi.

Sur certaines bannières, on appelait à «licencier Samaras», et non pas les «salariés de l'ERT».

Le dirigeant de l'opposition Alexis Tsipras (gauche radicale Syriza), venu soutenir les manifestants, a estimé qu'«aucun compromis n'était possible en démocratie» et appelé au renversement du gouvernement.

Jusqu'à présent, le premier ministre refusait de rétablir l'ERT telle qu'elle existait jusque-là, affirmant que l'organisme coûte trop cher. Il propose d'indemniser les salariés et de bientôt créer une nouvelle radiotélévision publique avec un personnel réduit.

À l'ERT mercredi soir, les écrans restaient noirs, ou avec des bandes multicolores selon les endroits. Seule la télévision parlementaire Vouli a fait sa réapparition sur le canal de l'ERT diffusé par Nova.

Les chaînes étrangères BBC, TV5, DeutscheWelle et CNN qui auparavant étaient en accès libres via le canal de ERT ont aussi disparu des écrans.

Lundi soir, au cours d'une première réunion des dirigeants de la coalition, le premier ministre avait proposé à ses partenaires une reprise provisoire des programmes, avec une sorte de grille minimum de programmes réalisés par une trentaine de journalistes. Il leur avait aussi laissé entendre pour la première fois qu'un remaniement ministériel serait possible vers la fin juin.

La Grèce doit, pour satisfaire aux exigences de la troïka des bailleurs de fonds, Union européenne (UE), Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI), mener à bien de vastes réformes visant à assainir son économie, dans le cadre d'un plan d'aide massif de 240 milliards d'euros.

Après plus d'une semaine de discussions sur la poursuite des réformes, et l'amplification de la crise de l'audiovisuel public, la troïka a indiqué mercredi qu'elle quittait Athènes et qu'elle y retournerait avant la fin du mois.

M. Samaras doit lui, s'envoler pour Vienne jeudi matin pour participer à une réunion des partis conservateurs européens (PPE), où il rencontrera Angela Merkel, avant de revenir s'installer le soir à la table des discussions avec ses deux partenaires à Athènes.