Après avoir affiché un optimisme prudent pendant plusieurs trimestres, la Banque du Canada rajuste son scénario économique au contexte mondial plutôt maussade.

Elle ramène de 2,0% à 1,5% seulement sa prévision de croissance réelle pour l'année en cours, soit bien plus près du consensus des prévisionnistes du secteur privé et un cran de moins même que la projection du ministre des Finances, Jim Flaherty, dans son dernier budget.

Elle juge désormais qu'il faudra encore deux ans avant que l'économie canadienne ne retrouve son plein potentiel. En janvier, elle avait plutôt misé sur la deuxième moitié de l'an prochain.

En 2014, le rythme d'expansion devrait s'accélérer à 2,8%, soit un cran de plus que dans son scénario de janvier et trois de plus que la toute récente prévision du Fonds monétaire international. Enfin, en 2015, la Banque risque une prévision de 2,7%.

Dans la nouvelle version de leur Rapport sur la politique monétaire (RPM), les autorités monétaires canadiennes estiment que le taux de croissance aura été de 1,5% de janvier à mars, contre 0,6% seulement d'octobre à décembre. Cette accélération relative est néanmoins bien inférieure au rythme de 2,3% sur lequel elles avaient misé en janvier.

Les prévisions sont aussi diminuées pour tous les trimestres de 2013. Ce n'est qu'à l'été que le rythme de croissance dépassera la barre de 2,1% qui correspond au potentiel de l'économie canadienne.

La véritable accélération de la croissance ne sera vraiment ressentie qu'en fin d'année avec un rythme annualisé de 2,8%.

C'est donc sans surprise que la Banque reconduit son taux directeur, fixé à 1,0% depuis septembre 2010. «La détente monétaire considérable en place actuellement demeurera probablement appropriée pendant un certain temps, après quoi une réduction modeste sera probablement nécessaire, de façon à atteindre la cible de 2,0%», lit-on dans le communiqué faisant part de la décision.

Malgré tous ces bémols, le gouverneur Mark Carney a réitéré devant la presse que la Banque n'est pas neutre, que la prochaine modification du taux directeur sera bel et bien une hausse.

Ce n'est pas avant la mi-2015, toutefois, que l'inflation de base aura retrouvé sa cible de 2,0%. D'ici là, son rythme sera plus lent, en raison du taux de capacités de production inutilisées. Estimé à 1,2%, l'écart de production entre l'économie réelle et son plein potentiel est perçu comme «pas très élevé» (not that big) par M. Carney.

Le RPM s'attarde à expliquer pourquoi l'économie canadienne a crû beaucoup plus lentement que ce que la Banque avait prévu. Il y a un an, la Banque avait misé sur une expansion de 2,4% en 2012. Elle n'a été que de 1,8%.

C'est à la faiblesse des exportations et des investissements des entreprises qu'elle fait porter le chapeau. Dans le premier cas, les difficultés ponctuelles des producteurs d'énergie de l'Ouest canadien expliquent le raté de même que des changements dans la composition des débouchés. Dans l'autre, ce sont surtout les inquiétudes nourries par l'incertitude fiscale américaine qui ont retardé des décisions d'investir.

Le niveau des exportations d'avant la récession ne sera pas rattrapé avant la fin de l'an prochain, prévoit la Banque. La reprise tant attendue dans le secteur du logement américain devrait en particulier favoriser les exportateurs de bois d'oeuvre et de matériaux rattachés au bâtiment résidentiel. La Banque évalue que cette reprise est à elle seule capable d'assurer une augmentation d'un point de pourcentage de la croissance des exportations, en 2013 et en 2014.

Les perspectives en matière d'investissements sont en revanche moins claires.

M. Carney croit que la correction récente des prix des matières premières ne signale pas la fin du super-cycle haussier. Les prix devraient demeurer élevés par rapport à leur moyenne historique, ce qui va favoriser le Canada.

Faisant le bilan rapide de son expérience à la barre de la Banque, M. Carney a souligné que ce qui l'aura le plus étonné, c'est l'interconnexion et le rattachement du Canada à l'économie mondialisée. «Et pas seulement aux États-Unis», a-t-il insisté.

La prochaine annonce du taux directeur aura lieu le 29 mai 2013, soit deux jours avant le départ officiel du gouverneur Mark Carney pour Londres et le gouvernail de la Banque d'Angleterre.