Les problèmes de Boeing avec son 787 risquent de tuer la technologie des batteries au lithium-ion, mais de donner un coup de pouce à celles qu'Hydro-Québec a contribué à développer, et qui utilisent d'autres matériaux, comme le phosphate de fer lithié.

«C'est le genre de problème qui risque de tuer une technologie», explique Lionel Roué, professeur à l'Institut national de recherche scientifique (INRS) et spécialiste des batteries, au sujet des incendies qui se sont déclarés à bord du nouvel appareil de Boeing et qui ont été reliés à ses batteries de nouvelle génération.

La technologie des batteries au lithium-ion est la plus évoluée. En 2012, près de 2 milliards de ces batteries ont été fabriquées et vendues. Ce type de batteries équipe déjà des téléphones, des ordinateurs portables et des voitures. Mais c'est la première fois qu'on en trouve dans des avions commerciaux qui transportent des passagers.

Risques bien connus

Les risques d'incendie associés à l'utilisation du lithium dans ces batteries sont bien connus. Des cas de téléphones, de portables ou même de voitures, comme la Volt hybride de Chevrolet, qui ont pris feu, ont été répertoriés.

Ce qui est surprenant, aux yeux du chercheur de l'INRS, c'est que le problème arrive maintenant à un avion, malgré les règles très sévères de l'industrie aéronautique. «C'est un secteur très réticent à adopter de nouvelles technologies», dit-il.

Il faudra des mois avant de connaître les causes exactes de ces incidents qui ont cloué au sol tous les 787 vendus par Boeing dans le monde, soit une cinquantaine au total. Si la batterie est en cause, ça pourrait être fatal à cette technologie, estime Lionel Roué.

Le Groupe Bolloré

«Ça s'est déjà vu», ajoute-t-il en pensant à Avestor, l'entreprise de Boucherville dont Hydro-Québec était actionnaire et qui a fait faillite après quelques incendies liés à ses batteries.

L'entreprise a été rachetée par le Groupe Bolloré, qui utilise une autre technologie développée par Hydro-Québec et d'autres partenaires, le phosphate de fer lithié, pour fabriquer les batteries de ses voitures électriques Bluecar.

Bolloré s'approvisionne en phosphate de fer à Candiac, où Phostec Lithium fabrique cette poudre vendue ensuite à tous les fabricants de batteries.

Selon Lionel Roué, cette technologie permet de fabriquer des batteries plus sécuritaires que celles au lithium-ion, surtout les gros formats. «Plus les batteries sont grosses, et plus les risques de surcharge (et d'incendie) sont élevés», résume-t-il.

Les problèmes de Boeing pourraient faire avancer les autres technologies en développement, dont celles utilisant le phosphate de fer. Il est toutefois difficile de savoir si une technologie prendra le dessus sur les autres, estime le spécialiste.

Une quête mondiale

Partout dans le monde, des milliards de dollars sont consacrés à la recherche de la batterie parfaite, celle qui permettra de propulser les voitures et les avions plus loin et à moindre coût. Outre le phosphate de fer, l'utilisation du graphite et du titanate sont d'autres voies d'avenir qu'explorent actuellement plusieurs chercheurs, indique Lionel Roué. Il y a aussi une technologie qui allie le métal et l'air, qui est très prometteuse, mais qui exigera encore des dizaines d'années de travail avant d'arriver jusqu'au marché, selon lui.

Hydro-Québec et ses partenaires ont déjà conclu des ententes avec plusieurs groupes industriels qui veulent utiliser le phosphate de fer lithié et le titanate de lithium pour fabriquer des batteries de nouvelle génération. L'un d'eux, le groupe taïwanais Advanced Lithium Electrochemistry, s'est même engagé en retour à s'installer au Québec.

Les batteries actuellement sur le marché sont fabriquées majoritairement en Asie, soit au Japon, en Chine et en Corée du Sud. Celles qui équipent le Boeing 787 sortent des usines de GS Yuasa, de Kyoto, au Japon, et ont été choisies par Thales, la firme française sélectionnée par Boeing pour concevoir les systèmes électroniques de son nouvel appareil.