«Vous m'avez coupé la parole 14 fois en 12 minutes, lance Paul Hamel, directeur associé de Zero to One. Mais je vous ai rendu la pareille en vous interrompant aussi 14 fois. Et regardez ici: j'ai été en mode parole 56% du temps, contre 16% pour vous. C'est normal, puisque c'est vous qui étiez en train de m'interviewer.»

Ce n'est pas tous les jours qu'un journaliste voit son travail ainsi décortiqué. Mais c'est le prix à payer pour comprendre la technologie de Zero to One, une entreprise en démarrage au profil bien particulier.

La société, dont les racines sont en France mais qui vient de débarquer au Québec, a inventé le Comscope, un système de micros et caméras doublé d'algorithmes informatiques qui décortique les moindres paramètres d'une interaction entre deux personnes.

Temps de parole, temps d'écoute, direction du regard, coupure de parole: rien n'échappe au Comscope, qui capte et compile les informations, puis les présente sous forme de statistiques et de graphiques. À quoi ça sert? En clair, à former autant les vendeurs que les gestionnaires à mieux interagir avec les autres.

«En entreprise, on sait que 70% du temps est consacré à la parole et à l'écoute, dit Paul Hamel. Or, personne n'est formé pour ça. Notre but, c'est d'accélérer la prise de conscience des employés par rapport à leurs forces et leurs faiblesses, puis de travailler sur ces faiblesses.»

Le Comscope, explique-t-il, a été inventé parce que ce genre d'habiletés s'apprend très mal assis dans un auditorium à écouter un expert.

«Au golf, pour vous améliorer, vous allez sur le terrain et vous tapez des balles. Et vous avez quelqu'un derrière qui vous corrige pour que vous soyez meilleur», illustre M. Hamel.

De la Normandie au Québec

Zero to One est née en France des idées de Philippe Hamel, le père de Paul. Des années à travailler en grande entreprise et un doctorat en gestion l'ont convaincu du besoin de mesurer de façon objective ce qui appelle «l'efficacité relationnelle».

Soutenu par un groupe d'anges financiers de la Normandie, l'homme se lance en affaires en 2007. Il accouche d'un produit, puis déploie sa stratégie commerciale: mettre le Comscope dans les mains de formateurs établis, qui ont déjà leurs contacts dans les entreprises.

Breveté dans une trentaine de pays, le Comscope a déjà fait son entrée chez les grands groupes industriels de France. Coût d'une formation avec cet outil: 500$ par personne par jour, incluant une interface qui donne à chaque employé l'accès à ses résultats.

Mais Zero to One n'est pas qu'une histoire française. En 2011, l'affaire traverse l'Atlantique grâce au fils de Philippe, Paul, et son ami Amaury Dada, un Français qui fait aussi des études de maîtrise à HEC Montréal.

«Paul et moi cherchions des stages, raconte Amaury Dada. On avait des pistes dans le milieu financier, mais l'idée de faire des stages ne nous emballait pas trop. On avait envie de monter quelque chose.»

Marché nord-américain

Ils lancent Zero to One Technology Canada avec l'objectif de commercialiser le Comscope en sol canadien.

«À terme, on voudrait se servir de Montréal comme d'une base pour tout le marché nord-américain», dit Paul Hamel. Les sociétés française et québécoise sont indépendantes. Seule une entente commerciale les lie: l'aile québécoise versera des redevances à la société française pour chaque formation vendue

La Presse Affaires a rencontré le groupe le 5 novembre dernier, alors qu'il avait loué des locaux au centre-ville de Montréal pour présenter sa technologie à d'éventuels clients. Plusieurs grandes entreprises ont montré un intérêt. Parmi celles dont on peut dévoiler le nom figurent Cascades, Bureau en Gros et l'entreprise de cosmétiques Pierre Fabre.

«La réponse est extrêmement bonne», se réjouit Paul Hamel, qui espère signer son premier contrat sous peu.

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ZERO TO ONE

Qui

Philippe Hamel (fondateur de la société française), son fil Paul et Amaury Dada (fondateurs de la société québécoise).

L'idée

Le Comscope, un système de micros et caméras doublé d'algorithmes qui aide à former les employés à mieux interagir avec les autres.

L'ambition

Que le système devienne un incontournable dans la formation des employés tant en Europe qu'en Amérique du Nord.

Ils y croient et y ont misé de l'argent

Les fondateurs et un groupe d'anges financiers de la Normandie.