Pour la 15e fois d'affilée, la Banque du Canada fixera ce matin à 1% son taux directeur, en place depuis le 1er septembre 2010.

De plus en plus d'observateurs sont d'avis que le taux cible de financement à un jour restera inchangé encore plusieurs mois, voire une année entière, malgré la volonté maintes fois affirmée de son gouverneur Mark Carney de le normaliser. Après tout, l'expansion, bien que modeste, ne se poursuit-elle pas depuis bientôt deux ans?

Comme pour le conforter, le Fonds monétaire international (FMI) a prédit hier que l'économie canadienne progressera de 2,1% cette année et l'an prochain. Aussi, il s'est étonné quelque peu de la résilience du Canada dans la tourmente mondiale présente.

Voilà de quoi justifier le maintien par la Banque dans le communiqué de cette phrase introduite le 17 avril: «Il se peut qu'une réduction modeste de la détente monétaire considérable actuellement en place au Canada devienne appropriée.»

Dans le communiqué du 5 juin, la Banque avait déjà nuancé cette volonté de resserrement, compte tenu d'indicateurs économiques décevants des deux côtés de la frontière et d'une croissance annualisée de 1,9% au premier trimestre alors qu'elle avait misé sur 2,5%. La hausse possible du taux directeur surviendra, avait-elle précisé, «dans la mesure où l'expansion se poursuit et l'offre excédentaire au sein de l'économie se résorbe graduellement».

Conditions remplies

Si on se fie au FMI, la première des deux conditions paraît remplie. Il reste à savoir si la croissance est suffisante pour résorber l'offre excédentaire, une réalité difficile à mesurer. Selon les données estivales de l'Enquête sur les perspectives des entreprises (EPE) publiées la semaine dernière, il semble que oui.

L'indicateur des pressions sur la capacité de production a monté. Près de la moitié des firmes répondantes signalent qu'elles auraient des difficultés à faire face à une demande inattendue tandis que tout près de trois entreprises sur cinq songent à augmenter leurs effectifs au cours des 12 prochains mois, un sommet en 11 ans.

Néanmoins, bien des arguments militent pour un statu quo prolongé. À 2,1%, la prévision de croissance du FMI est inférieure aux 2,4% envisagés par la Banque pour 2012 et 2013, dans son scénario d'avril. C'est sur la base de cette prévision qu'elle estimait que l'économie canadienne aurait retrouvé son plein potentiel avant juin 2013. Ce pourrait être décalé de quelques mois, compte tenu de la croissance décevante du premier trimestre qui s'est sans doute prolongée au printemps. En avril, la Banque avait jaugé à 2,5% l'expansion annualisée, d'avril à juin.

Les autorités monétaires misaient aussi sur une expansion molle des exportations nettes (exportations moins importations). Après deux mois de données au deuxième trimestre, on assiste plutôt à une détérioration de la balance commerciale.

Les chiffres américains des ventes au détail publiés hier faisaient état d'un troisième recul mensuel d'affilée en juin, mû par la faiblesse des ventes de véhicules neufs, produit-vedette des livraisons canadiennes chez nos grands voisins.

En fait, la Banque devra réviser aussi à la baisse sa prévision de croissance pour l'économie américaine qu'elle fixait à 2,3% et 2,5% pour 2012 et 2013. Le FMI voit plutôt 2,0% et 2,3%, et ce, dans la mesure où le Congrès parvient à s'entendre sur un relèvement du plafond de la dette et sur des mesures de mitigations du mur fiscal dressé dès 2013. Les États-Unis s'en rapprochent rapidement compte tenu de la ligne partisane et stérile des élus.

Enfin, depuis avril, Ottawa est entré en piste. Tant la Société canadienne d'hypothèques de logement que le Bureau du surintendant des institutions financières ont restreint les conditions de garantie et d'attribution des prêts hypothécaires. On visait ainsi à attiédir le marché de l'habitation et à freiner la croissance de l'endettement des ménages.

Ce faisant, on répondait à la principale inquiétude de M. Carney en ce qui concerne l'économie canadienne. On ralentit aussi la marche des prix, également affaiblie par un prix de l'essence moins élevé qu'au printemps.

Cela milite pour un statu quo prolongé qui n'empêche pas les autorités monétaires de préconiser un resserrement monétaire... à un moment donné.