Charles Deguire a découvert le pouvoir de la technologie en voyant son grand-oncle cueillir une rose.

L'événement, quand il s'est produit, n'avait rien de banal. Parce que le grand-oncle en question, atteint de dystrophie musculaire, avait cueilli la fleur à l'aide d'un bras mécanique bricolé à partir d'une vieille lampe, d'une paire de pinces de cuisine et de câbles de bicyclette, le tout actionné par des moteurs d'essuie-glaces.

«Il y avait 14 boutons hypersensibles là-dessus qu'il était le seul à pouvoir contrôler. Mais ça a changé sa vie. Il était capable d'ouvrir les portes, de boire un verre d'eau, de prendre un yogourt sans l'aide de quelqu'un», raconte Charles Deguire.

Aujourd'hui, à 28 ans, Charles Deguire se rend compte que le bras inventé par son grand-oncle n'a pas seulement changé la vie de ce dernier. Il a aussi fait bifurquer la sienne. Et est en train de transformer celle d'un nombre sans cesse grandissant de personnes handicapées.

Sur le bureau du jeune entrepreneur est fixé un bras robotique. Fait de fibres de carbone, muni de six articulations et de trois doigts flexibles, l'engin n'a plus rien d'artisanal.

Il est le fruit du travail de Charles Deguire et de son complice de toujours, Louis-Joseph Caron L'Écuyer, fondateurs de l'entreprise Kinova.

C'est lorsqu'ils étudiaient à l'École de technologie supérieure que les deux jeunes hommes ont eu l'idée de poursuivre le travail entamé par le grand-oncle de Charles Deguire, malheureusement mort avant d'avoir pu mettre au point son invention.

Les deux étudiants ont fait leurs devoirs et regardé ce qui se faisait dans le monde, pour constater que peu de projets semblables étaient sur les planches.

«On s'est dit: on envoie des robots dans l'espace, ce n'est pas normal qu'on ne soit pas capables d'en faire pour aider les gens à se nourrir seuls», dit M. Deguire.

Leur bras robotique - qu'ils ont baptisé JACO en l'honneur du grand-oncle qui en a jeté les bases, Jacques Forest - a progressé rapidement. Si bien qu'en 2006, Charles Deguire et Louis-Joseph Caron L'Écuyer ont décidé de lancer une entreprise pour en pousser la croissance.

Crucial financement

Après avoir investi leurs propres économies dans l'aventure, les deux jeunes hommes se sont vite heurtés au problème du financement. Heureusement, un ange financier, Richard Garon, s'est intéressé au projet et a décidé d'y investir.

M. Garon n'a pas apporté que de l'argent. Cet entrepreneur, qui a lancé puis vendu une société de produits pour animaux, a mis sur pied au fil des ans un réseau de distribution international.

«C'est exactement de ça qu'on avait besoin», dit Charles Deguire.

Ça a cliqué entre les deux fondateurs et Richard Garon, si bien qu'il est devenu associé de Kinova.

Pendant que Charles Deguire s'occupait des affaires, Louis-Joseph Caron L'Écuyer a poussé la mise au point du bras JACO.

Kinova a accouché rapidement d'un bras de cinq kilogrammes commandé par une simple manette, et qui peut être fixé à un fauteuil motorisé. Replacer des lunettes sur un nez, tenir un oeuf sans le briser, faire de la lumière dans une pièce: les premiers utilisateurs étaient enthousiastes devant les petites tâches simples de la vie que le bras leur a permis d'accomplir sans devoir toujours demander l'aide de quelqu'un.

«Voir quelqu'un accomplir une tâche qu'il rêvait de faire, c'est extraordinaire. C'est fou de voir l'autonomie et la prise de confiance que ça entraîne», souligne Charles Deguire.

Les affaires, elles, décollent vite. Kinova, aujourd'hui, est déjà une entreprise rentable. Les bras JACO sont vendus aux distributeurs et intégrateurs de fauteuils motorisés d'un peu partout dans le monde, et le chiffre d'affaires dépasse le million de dollars.

«L'an prochain, on veut l'amener à 2,2 millions», dit Charles Deguire, qui souhaite aussi faire bondir son équipe de 14 à 25 employés d'ici à décembre.

D'autres projets

Bien conscients du danger de bâtir une entreprise reposant sur un seul produit, Charles Deguire et Louis-Joseph Caron L'Écuyer planchent sur d'autres technologies. On sait déjà que l'une d'entre elles est un exosquelette pour le haut du corps qui aidera ceux qui ont des faiblesses aux bras à mieux s'en servir. L'autre est encore secrète.

Kinovaest-elle le genre d'entreprise qui pourrait intéresser les multinationales ? Ne soulevez même pas la question en présence de Charles Deguire.

«J'ai 28 ans, j'adore ce que je fais et je veux faire ça toute ma vie. On est en train de bâtir une équipe qui veut faire ça toute sa vie aussi. Alors, vendre, c'est hors de question. On a le potentiel de créer au Québec le prochain leader en robotique professionnelle. Et la place, on veut la prendre.»

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KINOVA

Fondateurs

Charles Deguire et Louis-Joseph Caron L'Écuyer

Président

Charles Deguire

Investisseurs

Les fondateurs et l'ange financier Richard Garon

Partenaires financiers

Investissement Québec, Fonds local d'investissement et Fonds locaux de solidarité FTQ (FLI/SOLIDE) du Regroupement économique et social du Sud-Ouest, Fonds de développement Emploi-Montréal, Banque Nationale.

Le concept en 140 caractères

Kinova a commercialisé un bras robotique pour compenser la perte de mobilité des utilisateurs de fauteuil motorisé qui ont aussi un handicap aux membres supérieurs.

Objectifs d'ici un an

Concevoir une deuxième plateforme robotique et maintenir la croissance annuelle du chiffre d'affaires à plus de 100%.