Malgré les apparences, l'état de santé du marché du travail a continué de s'aggraver le mois dernier, alors qu'il se stabilise dans l'ensemble du Canada et prend du mieux aux États-Unis.

Au Québec, il s'est créé 9500 emplois, tous à temps partiel, de décembre à janvier. Comme 300 personnes ont aussi quitté les rangs de la population active, le taux de chômage a reculé de 8,7% à 8,4%, selon les données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada.

D'un océan à l'autre, les effectifs du marché du travail se sont gonflés d'à peine 2300 personnes. Ce chiffre très décevant n'aura pas suffi à contenir la montée du taux de chômage d'un cran à 7,6%, soit quatre dixièmes de plus que son creux du présent cycle observé en septembre.

L'augmentation du nombre d'emplois au Québec est certes bienvenue après un automne qui en a sabré 61 000.

Ce baume cache cependant une plaie qui s'aggrave.

Si l'ajout surprenant de 8100 personnes en usines est encourageant, la perte de 6300 postes dans la construction, de 8100 dans la finance, les assurances et l'immobilier et de 4400 postes dans les services scientifiques, professionnels et techniques, des emplois en général bien rémunérés, n'a pas de quoi rassurer. D'autant que des licenciements annoncés le mois dernier mais non matérialisés dans l'industrie pharmaceutique présagent que cette cohorte de travailleurs spécialisés n'est pas au bout de ses peines.

«Malgré l'amélioration des statistiques sur l'emploi, la situation du marché du travail québécois demeure inquiétante», note Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins.

Et comment. Les entreprises hésitent à embaucher. «L'emploi du secteur privé a encore baissé dans la province (-1000), portant le bilan à six reculs d'affilée», souligne Matthieu Arseneau, économiste à la Banque Nationale.

D'un océan à l'autre, les entreprises ont embauché pour un troisième mois d'affilée aux dépends de la cohorte des travailleurs autonomes. Il y a cependant beaucoup de mou: 13 700 postes en moins dans la construction, 23 200 dans les services financiers (portant la saignée à 73 000 en six mois) et pas moins de 44 800 dans les services professionnels scientifiques et techniques.

«Au net, le marché du travail canadien a ajouté 20 000 emplois depuis septembre, rappelle Dawn Desjardins, économiste en chef adjoint chez RBC. Il montre des signes de faiblesse, après la force manifestée en 2010 et au début de 2011.»

Ce qui illustre le mieux la détérioration constante du marché du travail au Québec depuis le sommet d'emplois de juillet, c'est la baisse du nombre d'heures travaillées.

Depuis juillet, soit l'équivalent de deux trimestres, le nombre d'heures travaillées mensuellement a diminué de 3,42 millions, ou de 2,7%. Les Québécois en ont même travaillé 1,29 million de moins en janvier qu'en décembre, malgré l'augmentation du nombre d'emplois.

À l'échelle pancanadienne, le nombre d'heures travaillées a légèrement augmenté de décembre à janvier. Depuis juillet, il est par contre en recul de 2,58 millions.

Autrement dit, si on exclut le Québec, le nombre d'heures travaillées dans le reste du Canada dépassait en janvier de 740 990 celui de juillet.

Bref, ailleurs au pays, la situation est moins sombre, mais l'économie a perdu beaucoup de son tonus au point où chez BMO marchés des capitaux, on a diminué à 1,7% la prévision de croissance canadienne annualisée du présent trimestre après avoir ramené à 1,45% celle de l'automne, sur la foi du recul de 0,1% de la production en novembre.

«Ses moteurs intérieurs tournant au ralenti, le marché du travail aura besoin de l'économie américaine pour retrouver un certain tonus afin de poursuivre l'expansion économique», juge Douglas porter, économiste en chef désigné chez BMO marchés des capitaux.

Par bonheur, elle montre des signes de dynamisme encourageants. En janvier, Corporate America a ajouté 243 000 à ses effectifs, soit bien plus que ce à quoi s'attendaient les prévisionnistes. Le taux de chômage a diminué de deux dixièmes à 8,3%, soit le taux le plus faible depuis février 2009, mois durant lequel Barack Obama est entré à la Maison Blanche.

Cela dit, le taux de participation des Américains au marché du travail n'est que de 63,7% (celui des Canadiens est de 66,7%), «le plus faible niveau depuis le début des années 1980, note Marie-Claude Guillotte et Sébastien Lavoie, économistes chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Quant au taux d'emploi, il ne s'élève qu'à 58,5% chez les 16 ans et plus, contre 61,6% au Canada chez les 15 ans et plus.