Les graves risques que fait peser la crise de la dette souveraine européenne sur la croissance mondiale incitent l'OCDE à rabaisser ses prévisions de croissance pour ses pays membres, dont le Canada et les États-Unis.

«L'horizon ne s'éclaircira que si des mesures décisives sont prises rapidement, selon Pier Carlo Padoan, chef économiste de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Dans la zone euro, il faut faire barrage au risque de contagion en augmentant substantiellement les capacités du Fonds européen de stabilité financière (FESF), tout en se donnant une plus grande latitude pour mobiliser les ressources de la Banque centrale européenne.»

Dans la même veine, l'économiste en chef pour l'Amérique du Nord de BNP Paribas prédit que la BCE va assouplir sa politique monétaire pour oxygéner l'économie de la zone euro. «Dès le début de 2012, la BCE sera en mode de détente quantitative», a affirmé hier à La Presse Julia Lynn Coronado.

L'OCDE estime désormais que l'économie canadienne aura progressé de 2,2% seulement cette année, alors qu'elle voyait 3% en mai. En 2012 et 2013, l'expansion sera contenue à 1,9% et 2,5%.

Seuls les États-Unis et le Japon feront mieux que le Canada toutefois au sein du G7, avec un mince avantage d'un dixième, l'an prochain seulement.

«Du fait principalement de la dégradation de l'environnement extérieur, les perspectives de l'économie canadienne se sont nettement assombries, juge l'organisme basé à Paris. Le risque accru de nouveaux soubresauts sur les marchés des capitaux dans le sillage de la crise de la dette souveraine que connaît l'Europe ainsi que l'endettement élevé des ménages écornent la confiance des consommateurs.»

L'OCDE limite à 1,8% et 1,9% la croissance de la consommation privée au Canada, ce qui reflète justement le niveau historiquement élevé d'endettement des ménages.

De son côté, Mme Coronado estime que la Banque du Canada devra abaisser son taux directeur pour aider l'économie à faire face aux vents mauvais venus d'Europe et des États-Unis où la croissance sera très faible au début de 2012. Elle prédit que les autorités monétaires devront ramener à 0,5% le taux cible de financement à un jour, fixé à 1% depuis septembre 2010.

«Heureusement, le Canada est moins tributaire qu'autrefois de la bonne fortune des États-Unis», note-t-elle, bien qu'elle estime que notre économie fera du surplace cet hiver.

L'OCDE s'attend à une croissance américaine très molle jusqu'à l'été. «Le retour progressif de la confiance et une politique monétaire accommodante devraient contribuer à une accélération de la croissance de la production au second semestre.»

L'organisme ne fait pas allusion aux élections présidentielles de novembre prochain. En revanche, il envoie un message non équivoque aux élus: il faut redoubler d'efforts pour arriver à un accord sur un programme budgétaire crédible, ce qu'ils ne sont jusqu'ici pas parvenus à faire.

M. Padoan est cependant plus dur encore à l'endroit de la classe politique européenne, dont la capacité de relever leurs énormes défis soulève un scepticisme grandissant. «Les conséquences d'un événement négatif majeur dans la zone euro vont dépendre des processus en jeu et de leur virulence, estime-t-il. Un grand événement négatif ferait très vraisemblablement basculer toute la zone euro dans une récession avec un recul sensible de l'activité aux États-Unis et au Japon.»

Un grand événement serait par exemple l'incapacité d'un État membre à faire face à ses obligations envers ses créanciers.

Ce n'est toutefois pas le scénario de base de l'OCDE, qui mise toujours sur la capacité des élus de surmonter les difficultés. L'organisme leur a préparé cependant un redoutable cahier des charges: engagement crédible de faire barrage à la contagion, recapitalisation solide des banques, financement de la dette à des taux raisonnables, renforcement rapide de la force de frappe du FESF, utilisation accrue des ressources de la BCE.

Le FESF est doté de 440 milliards d'euros, desquels il faut soustraire 17,7 milliards avancés pour le sauvetage de l'Irlande et 26 milliards pour celui du Portugal. Si on soustrait, aux 396,3 milliards restants, la contribution de 72,7 milliards pour le deuxième sauvetage de la Grèce et quelque 40 milliards pour la recapitalisation des banques, il ne reste que 283,6 milliards, à supposer que l'Italie soit contributrice plutôt que rescapée.

La Péninsule doit refinancer 300 des quelque 1900 milliards de sa dette, cet hiver.

«Il faut que les marchés acquièrent la conviction qu'on progresse vraiment vers l'union fiscale», conclut Mme Coronado.