Si la panique qui a balayé les marchés financiers cette semaine s'est calmée quelque peu hier, les vives inquiétudes qui l'ont nourrie restent entières.

De moins en moins d'investisseurs croient en la capacité des élus européens et américains d'adopter ou d'élaborer un plan crédible de solution à la crise budgétaire qui met en péril la fragile reprise économique qui vivote depuis deux ans.

Les banquiers centraux aussi s'agitent. Mardi, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a exhorté les Européens à remettre leur maison en ordre. La Réserve fédérale américaine a quant à elle parlé «d'importants risques baissiers aux perspectives économiques», ce qui aura été l'étincelle mettant le feu aux poudres.

Hier, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a déclaré à Washington que «des actions décisives et rapides doivent être prises par tous les États membres» pour la mise en place de l'accord du 21 juillet sur la refonte du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Les 17 États membres de la zone euro avaient alors convenu que le FESF allait pouvoir servir non seulement à des prêts d'urgence aux États incapables d'emprunter sur les marchés, mais aussi à acheter de la dette sur les marchés secondaires pour soutenir les banques qui la détiennent et à recapitaliser des banques en détresse. Un deuxième plan de sauvetage de la Grèce était aussi inclus.

Ce plan doit cependant être adopté par chacun des 17 États membres. Hier, seulement six l'avaient approuvé.

Flairant la bonne affaire, les spéculateurs parient massivement sur sa non-adoption.

Cet échec entraînerait la faillite de la Grèce au plus tard en décembre dont la dette de 353 milliards d'euros (près de 500 milliards de dollars) est surtout détenue par les banques européennes. Un risque de contagion au Portugal et surtout en Italie pourrait même faire éclater la zone euro et entraîner une crise financière plus grave encore que celle de 2008.

Le ballet diplomatique et le tordage de bras entre élus et banquiers centraux vont se poursuivre tout le week-end dans le but express d'accélérer le processus.

La semaine prochaine, huit autres pays sont sensés ratifier les accords du 21 juillet, dont la réticente Finlande, où la majorité des deux tiers est requise.

Du côté américain, la paralysie du Congrès est de nature à précipiter la première économie du monde en récession. Après le fiasco de juillet sur le relèvement du plafond de la dette, il a montré de nouveau son dysfonctionnement jeudi en adoptant in extremis un petit budget d'urgence pour faire face aux catastrophes naturelles de l'été.

Faute d'accord bipartite et bicaméral sur une réduction du déficit de 1500 milliards en 10 ans d'ici la Thanksgiving, des coupes budgétaires aveugles du même ordre entreront en vigueur dès 2013, ce qui équivaut à une ponction de 5% sur la croissance. Faute d'accord, les réductions de taxes votées pour un an en décembre ne seront pas prolongées.

Quant au dernier plan Obama de 440 milliards US pour relancer l'emploi, il paraît moribond.

Ce blocage va réduire davantage le pouvoir d'achat des ménages, déjà frappés par la chute toute récente de valeur de leurs placements boursiers et par une inflation qui dépasse la progression des salaires.

On mesure mieux ainsi les dégâts que créent les marchés financiers sur l'économie réelle.

En Europe, ils augmentent les coûts d'emprunt des États, grugent le capital des banques détentrices de leur dette, ce qui restreint leur capacité de prêter. Pire, elles craignent de se prêter entre elles à court terme, ce qui menace de geler le crédit. L'assureur britannique Lloyd's a même retiré ses dépôts de certaines banques européennes.

Aux États-Unis, le torrent d'argent dans la valeur refuge que représentent les Treasuries renforce le dollar contre toutes autres grandes devises.

La demande est tellement forte que des détenteurs ou gestionnaires de capitaux se contentent d'un rendement de 1,8% sur des Treasuries venant à échéance dans 10 ans alors que le taux actuel d'inflation atteint 3,8%. Bref, ils préfèrent un rendement réel négatif de 2% à tous autres placements jugés trop risqués.

Le raffermissement du billet vert va freiner les exportations des États-Unis qui étaient jusqu'ici la locomotive de leur faible reprise. Cette semaine, il s'est apprécié de 5,3% face au huard, de 7% environ face au peso mexicain et au real brésilien.

Au final, l'agitation financière mine par-dessus tout la confiance des entreprises et des ménages des deux côtés de l'Atlantique. Cela signifie moins d'embauches et d'investissements, moins de consommation, moins de recettes fiscales.

C'est comme si ceux qui parient sur une rechute en récession poussent l'économie en récession. Ils pipent leurs dés.

La classe politique pourra-t-elle enfin leur faire obstacle?