Les taux d'intérêt ne vont pas grimper de sitôt, s'il n'en tient qu'à la Banque du Canada qui a reconduit hier son taux cible de financement à un jour pour la huitième fois d'affilée.

Il est fixé à 1% depuis le 1er septembre 2010. D'aucuns estiment qu'il ne bougera pas avant septembre 2012 pour faciliter une relance durable de la croissance. «En raison du ralentissement de l'activité économique mondiale et de l'incertitude accrue sur la scène financière, la nécessité de réduire la détente monétaire a diminué», lit-on dans le communiqué faisant part de sa décision.

Il s'agit d'un net changement de cap par rapport à celui du 19 juillet. On y lisait que «dans la mesure où l'expansion se poursuit et l'offre excédentaire notable au sein de l'économie se résorbe graduellement, la Banque réduira en partie la détente monétaire considérable en place».

Or, on a appris depuis que l'économie canadienne n'avait pas poursuivi son expansion au printemps, mais reculé quelque peu. En fait, le produit intérieur brut mesuré par industrie stagne depuis février. Pire, la forte poussée de janvier a surtout servi à gonfler les stocks, ce qui n'est pas un gage de croissance pour les prochains mois, surtout quand nos partenaires commerciaux sont aux pises avec d'épineuses difficultés économiques, politiques et avant tout fiscales.

«La Banque du Canada est officiellement au point mort, juge Michael Gregory, économiste principal chez BMO marchés des capitaux. Les tensions entre les facteurs étrangers et internes laissent l'économie canadienne et la Banque du Canada dans les limbes.»

Le gouverneur Mark Carney et son équipe jugent néanmoins que l'économie canadienne devrait retrouver un peu d'allant au deuxième semestre. Elle sera soutenue par les investissements des entreprises et des dépenses des ménages qui n'auront pas cependant la même vigueur qu'au deuxième trimestre.

«Les perspectives économiques se sont nettement assombries au Canada, souligne Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Notre prévision de croissance pour 2011 est ainsi passée de 2,9% en juin à 2,3%.». En juillet, la Banque tablait sur 2,8%, chiffre qu'elle révisera à son tour le 26 octobre.

La Banque s'attend désormais à ce que les exportations nettes demeurent une importante entrave à la croissance. L'affaiblissement de la demande globale, la force relative de notre monnaie et la faible compétitivité de nos exportateurs concourent à les freiner.

Le Forum économique mondial fait d'ailleurs passer le Canada du 10e au 12e rang dans sa 32e enquête sur la compétitivité de 142 pays. Même en ayant reculé d'un rang, les États-Unis, notre principal partenaire, se classent cinquièmes.

Cela, en dépit du tableau sombre que la Banque brosse de l'économie américaine. Elle s'attend désormais à ce que les ménages américains restreignent encore leurs dépenses pour diminuer leur niveau d'endettement et endiguer la perte de valeur de leur maison. La situation difficile du marché du travail les incite aussi à la prudence.

«En outre, les stimulants budgétaires aux États-Unis se transformeront bientôt en freinage budgétaire», prévoit la Banque. Elle ne semble plus croire en la capacité des élus de dessiner un plan de relance à court terme.

La Banque s'inquiète aussi des difficultés de plusieurs pays européens susceptibles d'entraîner des bouleversements sur les marchés financiers.

Les tensions entre pays débiteurs et créditeurs augmentent de jour en jour au sein des 17 membres de la zone euro. En outre, les partis politiques au pouvoir parmi les pays créditeurs, tels l'Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande, font face à l'opposition populaire grandissante devant la perspective d'assumer un fardeau fiscal pour sauver des pays trop endettés. Les tensions sont aussi fortes chez ces derniers car les plans d'austérité imposés engendrent décroissance et chômage, surtout chez les jeunes.

Camisole de force

C'est sans compter surtout, comme le souligne Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Banque Nationale, que certains pays garants du plan de sauvetage de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal, pourraient se retrouver à leur tour dans la nécessité d'être réchappés. C'est le cas de l'Espagne et de l'Italie, deux poids lourds de la zone euro.

La règle de l'unanimité pour l'adoption d'un plan de sauvetage agit comme une camisole de force sur toute initiative apte à dénouer l'impasse.

Pour justifier un statu quo prolongé, les autorités monétaires s'attendent aussi à ce que l'inflation globale ralentisse. L'inflation tendancielle restera bien contenue, en raison notamment de la croissance modeste des salaires et du redressement de la productivité.