Une hache de guerre dans une main, l'autre tendue en accolade, Paladin (T.PLB) poursuit ses projets de croissance. Une semaine après avoir lancé une offre hostile contre une entreprise albertaine, la pharma montréalaise s'entend pour acheter Labopharm (T.DDS), de Laval, pour 20 millions.

Cette offre amicale, entièrement faite en argent comptant, étonne à première vue. Paladin offre 28,5 cents pour chaque action de Labopharm, une prime de 57% par rapport au cours moyen des 30 derniers jours, pour une entreprise au modèle d'affaires complètement différent du sien et qui multiplie les mises à pied depuis quelques mois.

Paladin devrait de plus éponger les dettes de Labopharm. «On parle d'un prix total entre 32 et 35 millions», a indiqué à La Presse Affaires Samira Sakhia, chef de la direction financière de Paladin. Le marché a bien réagi. L'action de Paladin a gagné 46 cents ou 1,14% pour clôturer à 40,95$, tandis que le titre de Labopharm bondissait de 62% pour clôturer à 28 cents, tout près du prix offert par Paladin.

Pourquoi offrir tant d'argent pour une entreprise en difficulté? Mme Sakhia explique que Paladin, qui vend déjà l'un des médicaments inventés par Labopharm au Canada, pourrait ainsi acquérir ses pilules à meilleur coût et augmenter ses marges de profit.

Pooya Hemami, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, croit cependant qu'une partie de l'intérêt de Paladin se cache dans les pertes accumulées par Labopharm et qui pourraient être utilisées par Paladin pour réduire sa facture d'impôt.

«Sans les pertes fiscales, je ne crois pas que cette transaction soit intéressante pour Paladin», dit M. Hemami.

L'analyste évalue les pertes fiscales de Labopharm à 80 millions au Canada. À cela s'ajoutent des pertes de 200 millions en Irlande, qui seraient toutefois plus difficiles à utiliser.

Labopharm est une boîte de recherche qui a inventé une technique permettant de modifier des médicaments déjà existants pour qu'ils puissent être libérés plus graduellement dans l'organisme.

Paladin, de son côté, est une spécialiste de la commercialisation. Elle acquiert des produits négligés par les grandes pharmaceutiques, puis les pousse dans le marché grâce à son équipe de vente.

Paladin vendait déjà au Canada le tramadol à prise unique de Labopharm, un analgésique modifié pour qu'il puisse n'être consommé qu'une fois par jour.

L'acquisition permettrait à Paladin d'accéder directement aux médicaments plutôt que de les acheter de Labopharm et d'en toucher les ventes faites ailleurs qu'au Canada. L'analyste Pooya Hemami calcule que Paladin pourrait aller chercher ainsi 6 millions chaque année.

Paladin pourrait aussi puiser dans les produits en développement de Labopharm, mais la majorité des activités de recherche risque d'être vendue ou simplement abandonnée.

«Nous ne mettons pas beaucoup d'accent sur la recherche et le développement», a admis Samira Sakhia.

Mme Sakhia a expliqué que des suppressions de postes administratifs sont aussi à prévoir. L'offre de Paladin a reçu l'aval du conseil d'administration de Labopharm et doit maintenant être approuvée par les deux tiers de ses actionnaires. Les analystes s'attendent à ce qu'elle soit acceptée.

Malchances

L'acquisition sonnerait le glas de Labopharm comme entreprise indépendante, une boîte qui aura été victime de sa malchance. Alors que son tramadol à prise unique était déjà commercialisé dans plusieurs pays, il s'est heurté à l'intransigeance des autorités américaines, qui ont exigé des études supplémentaires avant d'autoriser sa commercialisation.

Le temps de produire les études et les concurrents avaient devancé Labopharm dans le marché le plus lucratif de la planète. Des difficultés à commercialiser un autre produit, l'Oleptro, ont achevé de plomber la boîte québécoise, qui avait annoncé une révision stratégique de ses activités en mars et procédé à plusieurs vagues de mises à pied cette année.

«Le paysage de l'industrie pharmaceutique a beaucoup changé au cours des dernières années. Le marché est devenu très difficile. Mais nous sommes fiers de ce que nous avons accompli chez Labopharm», a confié Santo J. Costa, président du conseil de l'entreprise.

Paladin, qui compte 200 millions de liquidités et dont l'action a bondi de plus de 650% depuis cinq ans, a aussi lancé la semaine dernière une offre hostile pour acquérir l'albertaine Afexa [[|ticker sym='T.FXA'|]] et son produit-vedette, le COLD-FX.