Pas de cohue, pas de bousculades, pas de files d'attente. Le lancement du très attendu BlackBerry PlayBook de Research in Motion (RIM) s'est fait dans le plus grand calme au centre-ville de Montréal hier.

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En fin de matinée, le magasin Future Shop de la rue Sainte-Catherine Ouest, qui a ouvert ses portes deux heures plus tôt qu'à l'habitude pour l'occasion, avait écoulé une soixantaine d'unités. Dans la majorité des cas, il s'agissait de préventes faites ces dernières semaines. «Il n'y a pas eu de file d'attente, mais des gens sont quand même venus à 8h chercher leur commande», a indiqué le gérant Stéphane Leclaire.

À la Gare Bonaventure, alors que les travailleurs fourmillaient à l'heure du midi, à peine deux clients jouaient avec le PlayBook en démonstration au Bureau en gros. Un vendeur, qui n'a pas voulu être nommé, s'est tout de même dit «très satisfait» des ventes de la matinée. La boutique La Source du complexe Desjardins n'avait pour sa part vendu aucun appareil à 11 h 30.

Plusieurs détaillants, dont Sears et Best Buy, ont publié des communiqués pour assurer leurs clients qu'ils avaient des PlayBook en stock, mais la cohue appréhendée - ou espérée - n'a pas eu lieu. Rien à voir avec le lancement récent de l'iPad 2 d'Apple, qui a poussé des fanatiques à faire la file pendant la nuit.

Il faut dire que la nouvelle tablette tactile de RIM a reçu des critiques partagées. Parmi les principaux défauts du PlayBook, selon ses testeurs, on retrouve le nombre limité d'applications - environ 3000 -, infime par rapport aux 350 000 offertes par Apple.

L'impossibilité de se connecter à un réseau cellulaire, qui sera corrigée dans quelques mois avec la deuxième version du PlayBook, a aussi suscité des reproches. «Dans l'ensemble, notre expérience initiale est décevante», a indiqué hier dans un rapport l'analyste Kris Thompson, de la Financière Banque Nationale, qui a essayé l'appareil de façon intensive le week-end dernier.

Gens d'affaires

L'excellente réputation de RIM auprès de la communauté d'affaires laisse toutefois entrevoir des ventes assez importantes, de plus de 3 millions d'unités pendant l'exercice en cours selon les analystes.

Olivier Perron Collins, associé et vice-président d'une firme de conseil en urbanisme, a voulu se procurer le PlayBook dès sa sortie hier. Le Montréalais s'est récemment fait voler son ordinateur portable et il a choisi de le remplacer par la nouvelle tablette du fabricant ontarien.

Ses premières impressions? Il apprécie la facilité de gestion de ses documents de travail. «Je reçois tous mes courriels internes du bureau, les courriels des clients, je peux facilement les traiter. C'est un avantage: je n'aurai plus à traîner mon laptop le soir.»

Le cryptage des données unique à RIM, qui a fait sa renommée auprès des entreprises et des gouvernements, constitue l'un des points forts de la nouvelle tablette. En gros, les utilisateurs branchent leur BlackBerry à leur PlayBook grâce à la technologie Bluetooth, ce qui leur donne accès, de façon sécurisée, à tout le contenu de leur BlackBerry (contacts, courriels, etc.) sur la tablette.

Cette connectivité obligatoire au BlackBerry pour avoir accès à ses courriels constitue toutefois un désagrément pour certains utilisateurs. Chris Arsenault, associé principal du fonds de capital-risque iNovia qui a testé l'appareil, déplore l'absence de connections 3G ou 4G, qui sera présente sur la prochaine version du PlayBook l'été prochain.

«Ma conclusion, c'est que j'attendrai la deuxième version du PlayBook avant de devenir un véritable utilisateur, a-t-il indiqué à La Presse Affaires. D'ici là, je vais m'en tenir à mon BlackBerry et à un iPad doté du 3G pour avoir accès à tous mes courriels, calendriers et applications.»

Applications

L'intérêt des concepteurs d'applications pour le nouveau PlayBook n'apparait pas non plus démesuré. Chez Mirego, qui a notamment conçu les applications mobiles de Lespacs, de La Presse hockey et de DuProprio, environ 75% des produits développés à l'heure actuelle sont destinés à l'iPhone, contre 20% pour l'Androïd et à peine 5% pour le BlackBerry de RIM, indique le président Albert Dang-Vu.

«On a eu des questions de clients qui veulent savoir s'ils utiliseront le PlayBook, mais pour l'instant, ce n'est pas sûr, a dit M. Dang-Vu. Il ne faut pas oublier que l'écosystème de développement est beaucoup plus facile sur Android et l'iPad.»

Selon le chef d'entreprise de Québec, RIM essaie de «rattraper» le temps perdu avec son PlayBook, mais il doute que l'entreprise puisse parvenir à se battre à armes égales avec ses deux principaux rivaux. «J'ai l'impression que l'innovation va se faire plus rapidement chez les concurrents.»

Notons que le PlayBook a été salué pour la qualité de ses vidéos Flash et de ses caméras. Son nouveau système d'exploitation a aussi été salué pour sa rapidité et sa fluidité, qui facilitent le «multitâche» si cher aux gens d'affaires.

La tablette sera vendue dans plus de 20 000 magasins au Canada et aux États-Unis. Bell, Telus, Rogers, Vidéotron, Wind Mobile et Mobilicity, qui offrent tous les BlackBerry, vendent aussi le PlayBook. L'appareil se détaille entre 500$ (avec mémoire de 16 Go) et 700$ (64 Go).