Avis aux entrepreneurs technos et aux autres inventeurs québécois qui carburent à l'innovation: les financiers qui parient sur vous dans l'espoir de vous voir percer sont de mieux en mieux organisés.

C'est en tout cas ce que conclut un rapport rédigé par un consultant indépendant et obtenu par La Presse Affaires. Le document montre que les nouvelles politiques québécoises en capital-risque lancées en 2004 commencent à porter leurs fruits.

«Une évolution positive est en cours», confirme Gilles Duruflé, expert en capital-risque et auteur du premier bilan de la nouvelle stratégie québécoise en capital-risque.

Le capital-risque est cet argent misé sur les jeunes entreprises qui ne génèrent pas encore de profits. Bien souvent, l'entreprise échoue et les investisseurs perdent tout. Mais créez un succès et vous risquez de faire sauter la banque - parlez-en aux investisseurs qui ont parié sur Google à ses débuts.

Le document montre que le Québec a réussi à convaincre les investisseurs privés et les fonds étrangers de venir jouer à ce jeu chez nous. Entre 2004 et 2010, la part des investissements privés a grimpé de 15% à 22% au Québec, tandis que celle des investisseurs étrangers a bondi de 27% à 39%.

Voir les étrangers investir au Québec réjouit Geneviève Morin, chef de la direction financière de Fondaction CSN et coprésidente de Réseau capital, le regroupement de l'industrie du capital-risque québécois.

«Les fonds étrangers n'amènent pas seulement des dollars. Ils amènent une expertise et des réseaux qui servent nos entrepreneurs», explique-t-elle.

Un important virage

Ces résultats découlent d'un important virage entamé en 2004 au Québec. À l'époque, le capital-risque était surtout l'affaire d'importants acteurs comme le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt.

Or, les succès étaient mitigés.

«L'industrie était gérée par des financiers généralistes, explique M. Duruflé. Or, on s'est rendu compte que le capital-risque était un métier beaucoup plus spécialisé. Aux États-Unis, ceux qui font ça avec succès sont souvent des ex-entrepreneurs ou des gens qui ont des connaissances très pointues.»

D'où l'idée de mettre les dollars dans les mains d'équipes spécialisées. En 2004, Investissement Québec, la Caisse de dépôt, le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction CSN et Capital régional et coopératif Desjardins décident de mettre leur argent ensemble pour le confier à des fonds spécialisés.

Ces acteurs ont misé ensemble 603 millions de dollars entre 2004 et 2008. Grâce à l'effet de levier, ces investissements ont attiré 431 millions de plus, pour une cagnotte d'un peu plus de 1 milliard.

Les fonds ont été distribués à 13 équipes de gestionnaires de capital-risque, dont 6 complètement nouvelles, qui ont investi à leur tour dans 69 entreprises québécoises. S'il est trop tôt pour évaluer leur rendement, l'analyste montre tout de même que d'importants changements se sont produits.

Les fonds de capital-risque québécois, par exemple, se sont aventurés à investir hors Québec. Hérésie que de voir des dollars québécois aboutir dans les coffres d'entrepreneurs américains? Pas vraiment. Pendant que les Québécois dépensaient 218 millions à l'étranger, les étrangers, eux, ont investi 217 millions chez nous. Pratiquement du un pour un.

La «phase II» de la stratégie québécoise est maintenant en cours. Trois fonds de démarrage ont été lancés par Québec, et c'est maintenant en grande partie par l'entremise de Teralys, un «fonds de fonds» qui canalisera l'argent vers les fonds de capital-risque, que seront faits les investissements. «On voit un certain succès, il y a de bonnes équipes en place», dit M. Duruflé, qui croit cependant qu'il reste encore bien du pain sur la planche.