La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi son principal taux directeur de 1 à 1,25%, une nouvelle sans surprise pour les économistes et les marchés qui s'attendent à ce que ce mouvement haussier se poursuivre dans les mois à venir.

La hausse avait été largement anticipée depuis que le président de la BCE Jean-Claude Trichet l'avait annoncée comme possible le mois dernier, arguant de la poussée de l'inflation depuis quelques mois en zone euro.

En mars, les prix ont augmenté de 2,6% en moyenne dans les 17 pays de la région, dépassant pour la quatrième fois consécutive l'objectif de moyen terme de la BCE d'une inflation proche mais inférieure à 2%.

Cet échauffement est lié avant tout aux prix de l'énergie et des biens alimentaires, qui selon les économistes devraient retrouver des cours plus normaux d'ici la fin de l'année. Mais la BCE craint, elle, qu'il ne se répercute sur le niveau des salaires et crée une spirale incontrôlable.

C'est la première fois que la BCE augmente ses taux depuis juillet 2008. Elle avait dû faire machine arrière deux mois plus tard en raison de la faillite de Lehman Brothers et de ses répercussions sur la finance mondiale.

Après plusieurs baisses successives, le taux directeur était fixé à 1% depuis mai 2009, son niveau historiquement le plus bas dont la BCE a jugé qu'il n'était plus approprié, alors que la croissance économique est repartie.

La BCE a également relevé jeudi de 25 points de base ses deux autres taux directeurs: le taux de prêt marginal (prêts d'urgence de 24 heures) est passé de 1,75% à 2%, et le taux de dépôt (qui rémunère les disponibilités que les banques lui prêtent) de 0,25% à 0,5%.

Si M. Trichet avait pris garde de dire en mars qu'une hausse de taux en avril ne signifierait pas le début d'un cycle, les économistes pensent le contraire et vont guetter le moindre de ses propos abondant dans ce sens lors de la conférence de presse qu'il doit donner à partir de 8h30 (heure de Montréal) à Francfort, au siège de l'institution monétaire.

Selon qu'il promette de «surveiller très étroitement» l'inflation, ou bien simplement de la «contrôler étroitement», les observateurs jaugeront de la probabilité d'un nouveau tour de vis en mai, en juin ou même seulement en juillet, note Thorsten Weinelt, de UniCredit.

Mais certains doutent que M. Trichet donne des indices clairs sur la suite de sa politique monétaire.

«Nous pensons que la BCE veut voir ce que donne la hausse d'aujourd'hui. Donc M. Trichet devrait se montrer plutôt réservé», selon les économistes de Commerzbank.

Un avis partagé par Marco Valli de UniCredit selon lequel la BCE veut se préserver le «plus grand degré de flexibilité».

La majorité des économistes tablent sur trois hausses dans l'année, qui porteront son principal taux directeur à 1,75%.

Un renchérissement du loyer de l'argent qu'ils jugent néfaste pour les économies les plus fragiles et endettées de la zone, alors que dans le même temps la Réserve fédérale américaine a décidé de maintenir un taux proche de zéro pour soutenir l'activité et que la Banque d'Angleterre a aussi choisi le statu quo jeudi en gardant son taux à 0,5%.

Car si le scénario convient parfaitement à l'Allemagne, avec un taux de croissance attendu cette année d'au moins 2,3%, un chômage en recul et une inflation en hausse, jugent-ils, il complique encore la tâche des pays comme l'Irlande, la Grèce ou le Portugal qui a annoncé mercredi soir qu'il allait à son tour faire appel à l'aide européenne.

«La probabilité de restructuration de la dette est désormais d'environ 40%, au Portugal, d'environ 50% pour l'Irlande et 60% pour la Grèce», avance Ciaran O'Hagan, stratégiste obligataire à la Société Générale.

Les économistes vont aussi guetter ce que va dire M. Trichet sur son programme de rachat d'obligations publiques que certains membres de la BCE voudraient abandonner au plus vite, ainsi que sur les prêts aux banques à taux fixes et montants illimités qui ont été prolongés pour l'instant jusque juillet.