Pour trop de gens, pourtant instruits et curieux, l'économie reste avant tout une science sociale rébarbative, en raison d'une surabondance de concepts chiffrés et du courant libéral dominant qui anime ses débats.

Sonia Pignet et Marion Deye illustrent plutôt que l'économie, c'est-à-dire la discipline qui s'efforce de comprendre les mécanismes de la création et de l'allocation de la richesse dans une société donnée, regorge de paradoxes et de traits culturels étonnants.

Dans leur essai Les Miscellanées de l'économie, elles abordent sur les modes statistique, anecdotique et littéraire les grands concepts comme la monnaie, l'inflation, les taxes et le travail.

Au passage, on apprend quelques noms de devises qu'un verbicruciste un brin sadique aura soin de glisser dans un futur problème: la hryvnia ukrainienne, le tugrik mongol, sans oublier l'incontournable ariary malgache.

On est surpris de lire que l'hyperinflation du Zimbabwe a forcé sa banque centrale à imprimer en 2009 des coupures de 100 000 000 000 000 (cent mille milliards) qui s'échangeaient au marché noir contre 30 dollars américains. Depuis, cet État africain écrasé par la dictature de Robert Mugabe a abandonné sa monnaie.

L'imagination des ministres des Finances en matière de fiscalité est de tout temps prodigieuse. On taxait les perruques à Venise et la poudre pour les cheveux en Angleterre, à une certaine époque. Plus surprenant encore, la ponction fiscale s'est exercée sur les couteaux-poignards, les quilles et le billard au Mississippi, sans doute pour décourager les paris sportifs et les douces négociations qu'ils entraînent...

Il serait très injuste de réduire cet ouvrage fouillé à un chapelet de drôleries. Des sujets d'une gravité extrême sont aussi abordés comme le travail des enfants. En 2009, on a recensé 215 millions de jeunes privés d'école ou de jeu pour s'esquinter dans les champs ou des usines de misère.

Mmes Pignet et Deye s'intéressent aussi aux affaires. Elles ont dressé des tableaux synthétiques des rivalités Airbus-Boeing, Coke et Pepsi, Adidas et Nike, PlayStation et Nintendo, Apple et PC, etc.

Elles ont recensé les grandes fortunes du monde.

Elles synthétisent aussi les grands courants de la pensée économique, résument de grands concepts comme le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenu dans une société.

Elles rappellent la métaphore de la main invisible imaginée par Adam Smith pour tenter d'expliquer l'autorégulation des marchés... au XVIIe siècle, alors que l'industrie financière ne régnait pas encore. Elles ont soin d'ailleurs d'opposer à la précédente la théorie de l'asymétrie de l'information développée par George Akerlof, à l'aide de la métaphore du marché de la voiture d'occasion.

Elles montent en épingle quelques statistiques qui en disent long sur l'évolution de notre société et de sa productivité. En 1980 par exemple, 20% de la consommation des ménages français était consacré à l'alimentation, comparativement à 8% à l'automobile. Vingt ans après, c'est plutôt 14% dans les deux cas.

La présentation de l'ouvrage est soignée avec un graphisme recherché et quelques illustrations révélatrices. Ainsi, si le côté pile d'une pièce de un euro est le même pour tous les pays qui partagent cette monnaie, vous pourrez épater la galerie en précisant que, sur le côté face, figurent une croix à Malte et en Slovaquie, une lyre en Irlande, un oiseau en Allemagne, en Finlande et en Grèce, et un pape, devinez où.

Pour rendre cet étonnant digeste encore plus... digestible, les auteures l'ont émaillé de citations de circonstances, tantôt pleines de sens, tantôt franchement loufoques.

En voici deux pour terminer cet aperçu:

De John Maynard Keynes d'abord: «Le risque d'une prédominance de la spéculation tend à grandir à mesure que l'organisation des marchés financiers progresse.»

Le mot de la fin ira à Sacha Guitry: «On dit que l'argent ne fait pas le bonheur. Sans doute veut-on parler de l'argent des autres.»

Les Miscellanées de l'économie. Sonia Pignet, Marion Deye. ESF éditeur. Issy-Les-Moulineaux. 192 pages.