«La semaine la plus importante de l'histoire financière des États-Unis depuis la Grande Dépression a débuté à 8h, un vendredi matin, à la mi-septembre de l'année 2008.»

Ainsi commence le récit passionnant de la crise financière qui a emporté Lehman Brothers, nécessité des centaines de milliards de fonds publics et provoqué une grave récession dont le monde se remet douloureusement, comme en font foi les difficiles délibérations du G20. James B. Stewart, journaliste au New Yorker, a pu interroger les grands protagonistes en scène du 12 au 19 septembre, durant ces Huit jours pour sauver la finance.

Sans nul doute, Stewart connaît très bien les arcanes du système financier américain. Son récit chronologique est clair et ponctué de moult détails et anecdotes qui le rendent vivant et accessible.

Cette semaine-là, quasi fatale au système financier, est la catharsis d'une crise amorcée deux ans plus tôt avec la déconfiture du marché des subprimes, ces prêts hypothécaires consentis sans garantie suffisante des emprunteurs. Washington a mis en tutelle quelques jours plus tôt les agences de garanties hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae avec l'argent des contribuables, ce qui suscite beaucoup de grogne alors que les États-Unis sont en pleine campagne électorale présidentielle.

Le secrétaire du Trésor Henry Paulson ne veut plus avancer de fonds à Lehman Brothers qui ne pourra passer le week-end à moins d'un sauvetage miracle. Le président de la Réserve fédérale de New York, Timothy Geithner, qui, par un détour dont l'Histoire a le secret, allait succéder à Paulson, réunit le gotha de Wall Street pour orchestrer un sauvetage privé.

Les présidents de JP Morgan, Barclays, Merrill Lynch, Goldman Sachs et autres Citigroup et Morgan Stanley passent au crible les livres de Lehman tout en ayant chacun leur propre objectif.

La Fed de New York et le Trésor américain ont pressenti la britannique Barclays et Bank of America comme repreneurs potentiels de Lehman. La seconde se désiste vite et lorgne plutôt Merrill, qui paraît le prochain domino susceptible de tomber.

Pour avaler Lehman, Barclays aurait besoin des garanties de Londres. Mais les négociations entre Paulson et le chancelier de l'échiquier Alistair Darling échouent. La faillite est inévitable, dès lors, ce dimanche 14 septembre.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, le Trésor et la Fed découvrent un abcès bien plus grave encore. L'assureur AIG, qui n'a de compte à rendre à aucune autorité réglementaire, est l'émettrice de quelque 500 milliards de swaps de défaillance, par l'entremise d'une filiale. Ces swaps sont une sorte de police d'assurance vendue aux détenteurs de titres d'emprunt. Ces derniers peuvent réclamer le plein montant de leur créance à AIG en échange de leurs titres. Or, la panique des investisseurs est telle depuis quelques jours qu'on se rue chez AIG de plus en plus.

La faillite de Lehman a des conséquences inattendues. Ses billets de trésorerie (commercial paper), qui servaient à financer ses opérations courantes de courtage, sont détenus en grande partie par des fonds communs investis dans le marché monétaire. Ces fonds garantis sans risque achetaient surtout des bons du Trésor. Depuis 2006, le Primery Fund truffait son portefeuille de billets de trésorerie. Chaque dollar du fonds ne vaut plus que 97 cents au début de la semaine.

Les petits épargnants qui détiennent des fonds communs en vue de leur retraite sont affolés tout comme les entreprises qui financent leurs activités par des billets de trésorerie (à hauteur de 4000 milliards à l'époque).

C'est alors qu'entre vraiment en scène Ben S. Bernanke, président de la Réserve fédérale, la banque centrale des États-Unis.

Il force la main, à Paulson, au président George W. Bush qui lui donne sa «bénédiction», puis au Congrès. Il orchestre le sauvetage du système financier en s'arrogeant des pouvoirs extraordinaires.

Cela crée bien de l'animosité, surtout chez l'aile radicale des républicains qui a foi dans la seule sacro-sainte autorégulation des marchés.

En faisant le bilan de cette semaine hors du commun, Stewart conclut: «Le répit a duré suffisamment longtemps pour que la raison l'emporte sur la panique.»

Jusqu'à la prochaine crise, qui pourrait être celle du billet vert, prédit cependant Alain Minc en préface.

James B. Stewart. Huit jours pour sauver la finance, Grasset, 122 pages.