Dans le coin droit: Adidas, Budweiser, Coca-Cola. Dans le coin gauche: Nike, Carlsberg, Pepsi. Les partenaires et commanditaires officiels de la Coupe du monde contre les entreprises qui ont opté pour le marketing d'embuscade. En d'autres mots, qui se sont associées indirectement à la manifestation sportive qui s'est déroulée en Afrique du Sud.



Les marques connaissent le principe depuis un quart de siècle: se coller à un rendez-vous sportif incontournable, comme les Jeux olympiques, sans être le commanditaire unique dans sa catégorie et sans débourser des millions de dollars pour y faire voir son logo.

Avec la popularité immense des médias sociaux, faire du marketing d'embuscade (ambush marketing) est plus profitable que jamais. À preuve, la popularité de la célèbre publicité Write the Future de Nike (visionnée plus de 10 millions de fois... avant le début de la Coupe du monde). Un bon coup contre Adidas, qui aurait déboursé 350 millions de dollars pour être le partenaire officiel de la FIFA en 2010 et 2014.

À preuve aussi la publicité Oh Africa de Pepsi, qui met en scène des stars du soccer dans la savane africaine et qui a été visionné un million de fois, également avant le début du tournoi. Avant que Coca-Cola n'envahisse petits écrans et stades sud-africains, son rival a pu attirer une certaine attention. Et ce, sans jamais faire mention de la compétition!

Au terme de la Coupe du monde 2010, on peut ainsi se demander: qui a fait le plus parler de lui? Quelle marque a fait le meilleur coup? «Si je ne me fie qu'aux médias sociaux et à la pub sur l'internet, Nike a fait un meilleur travail, analyse Luc Dupont, professeur agrégé au département de communication de l'Université d'Ottawa. La première équipe qui occupe un territoire a un avantage. J'ai le sentiment qu'Adidas a attendu les premiers instants de la Coupe du monde pour mettre sa machine en branle.»

Grâce au marketing d'embuscade et au web, Nike et Pepsi ont créé de la confusion. «On dit souvent qu'avec l'internet, on est dans le Far West, dit Luc Dupont. Mais avec Nike, on a eu le meilleur exemple que c'est un bon allié. Dans l'esprit des gens, Nike est devenu le premier commanditaire de la Coupe du monde. Cela dit, quelqu'un qui n'a regardé que le tournoi, qui est resté rivé à son téléviseur, est certain que Coca-Cola est un commanditaire officiel.»

Des analyses de la maison de recherche Nielsen aux États-Unis, menées juste avant le début de la Coupe du monde, le 11 juin, puis quelques jours après le début du tournoi, montrent qu'Adidas (25,1%), Coca-Cola (11%) et Budweiser (4,9%) ont généré plus de bruit sur l'internet que leurs rivaux respectifs Nike (19,4%), Pepsi (2,8%) et Carlsberg (2,4%), du 11 au 25 juin. Par contre, le mois précédant le début du tournoi, l'effervescence entourant Nike surpassait de loin celle d'Adidas (30,2% contre 14,4%). Les pourcentages de Coca-Cola et Pepsi sont cependant demeurés sensiblement les mêmes. «Le commanditaire officiel est toujours avantagé quand il y a un lien naturel avec ce qu'on commandite», dit Luc Dupont. Après tout, le nombre de téléspectateurs estimés de la Coupe du monde est de 26 milliards.

Malgré l'image d'illégalité associée au marketing d'embuscade, les annonceurs non invités marqueront sûrement encore de bons coups dans quatre ans. La FIFA, qui s'est montrée sévère avec les intrus, cette fois - on pense à l'arrestation de filles vêtues supposément aux couleurs de la bière Bavaria lors d'un match, il y a trois semaines -, ne pourra pas intervenir comme bon lui semble pour les actions sur l'internet. «On a longtemps reproché à la FIFA de ne pas s'occuper du marketing d'embuscade, raconte Luc Dupont. Dans le cas de Bavaria, ce fut raide, mais on devine que la FIFA a voulu donner un exemple. Cela dit, ce sera un défi énorme de réglementer les actions sur les médias sociaux. On est sur un terrain en pleine mouvance.»