Trop chers en raison de pratiques anticoncurrentielles, les logiciels de Microsoft? Après six ans d'attente, un juge canadien a décidé qu'il fallait répondre à la question. La multinationale pourrait payer jusqu'à 1 milliard de dollars si une PME de la Colombie-Britannique gagne son recours collectif, selon un avocat au dossier.

Hier, un juge de la Colombie-Britannique a autorisé le premier recours collectif pour pratiques anticoncurrentielles contre Microsoft au Canada. Microsoft fait l'objet de deux autres demandes de recours collectifs en Ontario et au Québec, mais celles-ci n'ont pas obtenu l'aval d'un juge pour être entendues.

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Le recours collectif de Pro-Sys, une PME de logiciels de Richmond, traînait depuis six ans devant le tribunal de première instance de la Colombie-Britannique. Hier, le juge E.M. Meyer a décidé d'autoriser le recours collectif et d'entendre les arguments des deux parties sur le fond. «La décision d'hier est très importante, mais il est encore tôt dans le litige», dit Me Reidar Mogerman, l'avocat qui a introduit le recours collectif de Pro-Sys devant les tribunaux en Colombie-Britannique.

Pro-Sys reproche à Microsoft d'avoir empêché ses concurrents d'avoir accès librement au marché du logiciel, ce qui a permis à la multinationale de hausser le prix de ses logiciels Windows, Word et Excel. «Microsoft a utilisé des pratiques anticoncurrentielles, dit Me Reidar Mogerman. L'entreprise a anéanti toute concurrence réelle en matière de système d'exploitation. Microsoft avait notamment des ententes avec les grands manufacturiers informatiques qui faisaient en sorte de tenir ses concurrents à l'écart.»

En Ontario et au Québec

Quelles sont les chances de victoire de Pro-Sys? La cause n'a pas d'équivalent en droit canadien, mais Microsoft a réglé à l'amiable plusieurs recours collectifs du genre aux États-Unis. «Il y a des différences entre nos deux systèmes de justice, mais nous sommes très confiants que le système canadien permettra aux consommateurs d'être compensés pour les pratiques de Microsoft», dit Me Reidar Mogerman.

Outre le recours en Colombie-Britannique, Microsoft fait l'objet de deux autres recours collectifs en Ontario et au Québec. Ces deux derniers recours, déposés après celui de la Colombie-Britannique, attendent toujours d'être autorisés par leurs tribunaux respectifs. Ils avaient été suspendus en attendant la décision de la Colombie-Britannique, qui leur ouvre une brèche intéressante. «Pour l'instant, nous allons voir de quelle façon les procureurs de Microsoft vont réagir», dit Me Simon Hébert, du cabinet Siskinds Desmeules, qui agit comme avocat du plaignant dans le recours collectif québécois contre Microsoft.

Le litige en Colombie-Britannique vise tous les acheteurs de logiciels de Microsoft depuis 1994. Pro-Sys n'a pas encore statué sur la somme demandée à titre de compensation à la multinationale, mais son avocat évoque un scénario pouvant aller jusqu'à 1 milliard de dollars pour l'ensemble des recours collectifs au Canada. «C'est une bonne question, mais nous n'avons pas encore la réponse, dit Me Reidar Mogerman. Microsoft a dû payer des milliards de dollars pour des litiges aux États-Unis. En Californie, dont la taille de l'économie ressemble à celle du Canada, Microsoft a réglé et a dû payer plus de 1 milliard en dommages et amendes.»

Patience

Après une première victoire significative en six ans, l'avocat du plaignant sait trop bien qu'il devra continuer de s'armer de patience dans ce dossier. «Si Microsoft décide de se battre jusqu'au bout, ça prendra plusieurs années et ça coûtera plusieurs millions de dollars, dit Me Reidar Mogerman. Je soupçonne d'ailleurs que Microsoft voudra porter le jugement (d'hier autorisant le recours collectif) en appel.»

Microsoft n'a pas rappelé La Presse Affaires hier.